Furia Azteca
j'entrevoyais les jardins suspendus bigarrés, les volutes de fumée bleue s'élevant des autels et des foyers, les bannières de plumes flottant, presque immobiles, dans l'air si doux et l'énorme masse de la grande pyramide qui dominait l'ensemble.
Remplis d'allégresse et de fierté, nous franchîmes enfin la jetée de Coyoac
‚n et nous pénétr‚mes dans la grande ville au soir du jour faste Une Maison, pendant le mois du Grand Réveil, de l'année Neuf Couteau. Notre absence avait duré cent quarante-deux jours, soit plus de sept de nos mois.
Nous avions vécu de multiples aventu-
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res, dans des pays et des peuples étonnants, mais comme c était bon de retrouver le centre de la grandeur des Mexica, le Cour du Monde Unique.
II était interdit à tout pochtecatl d'arriver en ville pendant la journée ou de faire une entrée triomphale, aussi réussi et aussi rentable qu'ait été son voyage. De toute façon, même sans ces lois somptuaires, tous les marchands se seraient bien rendu compte qu'ils avaient tout intérêt à
rentrer chez eux sans faire de . tapage. A Tenochtitl‚n, tous n'étaient pas unanimes à reconnaître que la prospérité du peuple mexica dépendait de ces intrépides voyageurs, aussi beaucoup étaient jaloux de leur richesse si légitimement acquise. La noblesse, en particulier, dont les ressources provenaient du tribut versé par les peuples vaincus, était persuadée qu'un commerce pacifique la privait d'une partie du butin de guerre et elle fulminait contre ce " malheureux commerce ".
Pour toutes ces raisons, on pouvait être s˚r que tous les pochteca arrivaient en ville dans des vêtements ordinaires, à la nuit tombante et par petits groupes. Le logis qu'ils retrouvaient était modeste si l'on songe à la fortune accurnulée dans leurs coffres, dans des cachettes et sous les planchers, avec laquelle ils auraient pu se faire construire des palais dignes d'un Uey tlatoani.
Mes associés et moi, nous n'e˚mes cependant pas besoin de nous faufiler en cachette dans Tenochtitl‚n, puisque nous n'avions pas de porteurs et que tout notre chargement se réduisait à deux ballots poussiéreux et que, pour notre part, nous ne nous rendions pas dans une maison particulière, mais dans une hôtellerie de voyageurs.
Le lendemain, après un décrassage complet, je mis mes plus beaux atours pour aller me présenter au palais de l'Orateur Vénéré Ahuizotl. L'intendant me connaissant, je n'eus pas à attendre longtemps avant qu'on m'accorde une audience. J'embrassai la terre devant Ahuizotl, mais j'évkai de le regarder à travers mon cris-461
tal. J'ignorais quelle aurait été la réaction d'un autre seigneur si je l'avais dévisagé de la sorte, mais connaissant bien celui que j'avais devant moi, j'étais s˚r qu'il prendrait un air aussi farouche que l'ours grizzly qui ornait son trône.
" Nous sommes agréablement surpris de te voir revenir en bon état, pochtecatl Mixtli, me dit-il sur un ton maussade. Es-tu satisfait de ton expédition ?
- Je pense avoir fait de bonnes affaires, lui répondis-je. quand mes Anciens auront évalué ma marchandise, vous pourrez en juger vous-même d'après la part qui reviendra à votre trésor. En attendant, seigneur, j'espère que le récit de mon voyage vous intéressera. "
Je tendis alors à l'un des serviteurs les cahiers en bien triste état que j'avais si soigneusement remplis. Il y avait dedans à peu près tout ce que je viens de vous raconter, mes révérends, à part quelques faits sans importance, comme mes conquêtes féminines, mais avec des descriptions de pays et de peuples beaucoup plus détaillées, ainsi que des schémas de cartes.
Ahuizotl me remercia et me déclara : " Nous les examinerons très attentivement avec notre conseil.
- Si certains de vos conseillers sont vieux ou s'ils ont une mauvaise vue, Seigneur Orateur, lui dis-je ensuite, il se peut qu'ils trouvent cette chose utile. J'en ai rapporté un certain nombre pour les vendre, mais le plus gros et le plus brillant est un cadeau de ma part au Uey tlatoani. "
II ne parut pas particulièrement impressionné jusqu'au moment o˘ je lui demandai la permission de m'approcher pour lui montrer comment il fallait s'en servir pour examiner de très près des mots ou des objets. Ensuite, je le conduisis vers une fenêtre ouverte et, avec un bout de papier, je lui fis voir qu'on pouvait l'utiliser aussi pour allumer le feu. Je vis qu'il était captivé et il me remercia
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