Furia Azteca
tout à l'heure dans la rue. Mon père le regarda d'un air exaspéré et lui demanda :
" Est-ce que vous allez encore nous suivre longtemps, vieille peste ?
- Je ne fais que promener ma vieille carcasse ici pour voir la consécration de la Pierre du Soleil ", dit-il, en haussant les épaules. Puis il montra une porte fermée tout au bout du couloir et me dit : " II y en a des choses, là-dedans ! Des animaux humains bien plus intéressants que de simples bêtes. Une femme tlacaztali, par exemple. Sais-tu ce qu'est un tlacaztali ? C'est une personne entièrement blanche des pieds à la tête, la peau, les che-76
veux et tout, sauf les yeux qui sont rosés. Il y a aussi un nain qui n'a qu'une moitié de tête et qui mange...
- «a suffit, lui dit mon père sévèrement. Aujourd'hui, je veux que mon garçon s'amuse. Je n'ai pas l'intention de le rendre malade en lui montrant ces misérables monstres.
- Bon, bon, dit le vieil homme. «a plaît à certains de voir des gens mutilés et malformés. " II me fit un clin d'oeil et ajouta : " Ils seront encore là, jeune Mixtli, quand tu seras assez grand et assez fort pour te moquer d eux. Je crois même qu'alors, il y aura encore davantage de curiosités dans cette salle et bien plus amusantes et intéressantes pour toi.
- Vas-tu te taire ? s'exclama mon père.
- Pardon, mon maître ", répondit le vieux bossu, en se faisant encore plus petit. " Excusez mon impudence. Il est bientôt midi et la cérémonie va commencer. Allons-y maintenant pour avoir de bonnes places et je vous expliquerai à tous deux des choses que vous ne comprendriez peut-être pas.
"
La place était maintenant pleine à craquer et les gens étaient au coude à
coude. Nous n'aurions jamais pu nous approcher de la Pierre du Soleil si des nobles n'étaient pas arrivés au dernier moment, l'air dédaigneux dans leurs chaises à porteurs dorées et capitonnées. La foule des gens du peuple et des classes inférieures s'écarta sans un murmure pour leur laisser le passage et l'homme sombre eut l'audace de leur emboîter le pas, avec nous à
sa suite, presque jusqu'aux premiers rangs o˘ se trouvaient les véritables notables. Je n'aurais malgré tout pas vu grand-chose, mais mon père me hissa sur ses épaules. Il se pencha vers notre guide en lui disant : " Je peux vous porter, vous aussi.
- Je vous remercie de votre amabilité, mon maître, dit-il en souriant à
demi, mais je suis plus lourd qu'il n'y paraît. "
Tous les regards étaient tournés vers la Pierre du Soleil, installée, pour l'occasion, sur une plate-forme entre les deux larges escaliers de la Grande Pyramide inachevée. Elle était dissimulée sous une enveloppe de 77
coton d'un blanc éclatant, aussi je me distrayai à admirer les nobles, car leurs chaises à porteurs et leurs costumes étaient un vrai spectacle.
Hommes et femmes portaient des manteaux entièrement tissés de plumes, certains multicolores, d'autres, d'une seule teinte scintillante. Les femmes avaient les cheveux teints en pourpre, comme c'est la coutume en un pareil jour et elles levaient les mains pour faire voir les bagues ouvragées qu'elles portaient aux doigts. Mais les seigneurs étaient encore plus richement parés que leurs épouses. Ils avaient tous des diadèmes ou des parures d'or et des plumes chatoyantes sur la tête. Certains avaient autour du cou des médaillons d'or accrochés à des chaînes, des bracelets d'or aux poignets et aux bras et des anneaux aux chevilles. D'autres portaient des plaques d'or ou garnies de pierres précieuses, aux oreilles, aux narines et à la lèvre inférieure.
" Voilà le Premier dignitaire, dit notre guide. Cihua-coatl, le Femme-Serpent, celui qui vient tout de suite après notre Orateur Vénéré. "
Je regardai, impatient de voir une femme-serpent qui devait être une créature pareille à ces " animaux humains " qu'on ne m'avait pas permis de voir. Mais ce n'était qu'un autre pilli, et un homme, par-dessus le marché, qui ne se distinguait que par des parures encore plus magnifiques que celles des autres nobles. Son labret était si lourd qu'il faisait pendre sa lèvre inférieure, mais c'était un labret habilement conçu : un serpent d'or miniature dont la minuscule langue rentrait et sortait en frétillant tandis que le Grand Trésorier passait, secoué dans sa chaise.
Notre guide se moqua de moi ; il avait vu ma déception.
" "Femme-Serpent" n'est qu'un titre, mon garçon, me dit-il. On a toujours
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