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Gauvain

Gauvain

Titel: Gauvain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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la nuit. Le mien est très bien dressé à cela. Jamais il ne s’éloignera de l’enceinte, et je le retrouverai frais et dispos demain matin. – Mais le mien, dit Gauvain, que fera-t-il, lui qui ne connaît pas les lieux ? Si les loups le tuent, ou quelque autre bête sauvage, j’en serai blâmé ma vie durant dans mon pays. La chose se saurait sûrement, et l’on me reprocherait de l’avoir lâchement abandonné et offert à la convoitise des fauves. Il n’est donc pas question qu’il reste à l’extérieur. Sinon, je demeure avec lui pour le meilleur et pour le pire. – Voilà une bien grande folie ! s’écria le jeune homme. Pour l’amour d’un cheval, tu vas risquer ta propre vie. Je t’en prie, viens avec moi : tu ne le regretteras pas. – Non, répliqua fermement Gauvain. Si mon cheval ne peut entrer dans la forteresse, je reste ici. Mais je te prierai de m’octroyer un don si tu le peux lorsque tu auras regagné ton château. – Je te le promets. De quoi s’agit-il ?
    — Voici. Écoute bien ce que je vais te dire : un chevalier d’une très haute taille s’est logé dans cette forteresse. Il emmène sur son cheval une jeune fille, belle et svelte, noble et courtoise, vêtue d’une magnifique robe de soie rouge. Je dois cependant préciser qu’il a eu, aujourd’hui, l’insolence de l’enlever à la cour du roi Arthur alors qu’elle était sous ma protection. J’en ai été profondément humilié. Toute la journée, je l’ai poursuivi sans pouvoir l’atteindre et, demain, j’espère bien laver mon affront. Mais rien jusqu’ici ne m’a tant irrité que l’idée qu’il puisse passer la nuit avec elle. Donc, pour l’amour de moi, arrange-toi, si la chose peut se faire d’une manière ou d’une autre, pour que ta sœur se charge d’elle jusqu’au matin. Tu m’auras alors rendu un très grand service. Si le chevalier abusait de cette jeune fille, mon honneur serait à jamais terni. Demain, en plein jour, il en pourra reprendre possession, et peu importe de quel côté il ira : je le suivrai et le défierai. – Il sera fait comme tu le demandes, répondit le jeune homme, mais je te prends pour un insensé de t’entêter à séjourner, cette nuit, dans le cimetière. »
    Comprenant toutefois que rien ne fléchirait la volonté farouche de Gauvain, le jeune homme n’insista plus. Il partit au grand galop de son roncin, parvint rapidement à l’enceinte, appela ses gens qui se tenaient aux aguets sur le mur et, après avoir jeté sa venaison dans le fossé, y sauta lui-même, aussitôt qu’il eut lâché son cheval et pris soin de lui retirer son harnais. Il fut alors aussitôt hissé jusqu’au chemin de ronde.
    La nouvelle étant parvenue au seigneur que son beau-frère était de retour, il sortit de son manoir et accourut à sa rencontre, heureux qu’il ne lui fût point arrivé d’accident. Quant à la dame, elle s’élança de même, escortée de toute sa suite. Il ne resta même pas un portier de garde. Jamais nul ne manifesta de joie semblable à celle qui accueillit le jeune homme dans la place, car tout le monde s’alarmait de sa partie de chasse à l’arc dans la forêt. Ce d’autant plus que, comme il s’était fort attardé, tous redoutaient qu’à l’heure de son retour, le diable qui gardait l’Âtre Périlleux ne l’eût mis à mal. Ils l’appréhendaient fort, car même les plus hardis d’entre eux auraient perdu toute vaillance en telle rencontre.
    Ils entrèrent alors dans la grande salle, et le jeune homme y avisa le chevalier et la jeune fille dont Gauvain lui avait parlé. Frappé d’emblée par l’expression sauvage, l’air insolent et la taille démesurée de l’homme, il se retourna vers son beau-frère : « Seigneur, dit-il, jamais plus grand malheur n’est arrivé là-bas, hors nos murs, dans l’Âtre Périlleux , et jamais plus grand n’arrivera désormais que celui qui s’y produira cette nuit. Vous tous qui êtes ici, vous pouvez vous affliger, car celui qui sera victime du diable de l’Âtre Périlleux n’a pas son pareil au monde ni en largesse ni en courtoisie, et sa grande valeur ne le rend pas arrogant pour autant. Maudit soit le cimetière qui lui aura de la sorte servi de gîte ! Quand le roi Arthur apprendra la nouvelle, il se vengera en détruisant notre pays, car c’est à juste titre que ce puissant roi nous demandera des comptes au sujet du neveu qu’il est en train de perdre en ce moment même.

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