Gauvain
décider de son sort. Quant à Lidoine, elle était revenue à elle et, du haut de la fenêtre, tout en se félicitant que Méraugis ne combattît pas, elle faisait d’ardentes prières pour la victoire de Gauvain. Et tous les chevaliers qui se trouvaient dans la forteresse, tous les écuyers et les serviteurs s’étaient rassemblés sur la muraille pour assister au duel acharné que se livraient les deux hommes.
À un certain moment, Gorvain glissa sur le pavé, et Gauvain en profita pour lui assener un coup qui acheva de le déséquilibrer. Il tomba de tout son long tandis que Gauvain, bondissant sur lui et lui bloquant la poitrine de son genou, lui mit la pointe de son épée sur la gorge. « Rends-toi ! cria-t-il. – Je me rends ! dit Gorvain, je reconnais ma défaite. Fais-moi grâce, je te prie ! – Ta grâce, tu l’auras, mais à deux conditions. D’abord, tu devras déclarer que tu reconnais le jugement du roi et de la reine : Lidoine est accordée à Méraugis, et personne ne peut aller contre. Ensuite, tu devras te réconcilier avec Méraugis et jurer de n’entreprendre aucune action contre lui. – Je le jure ! s’écria vivement Gorvain. Je reconnais la justice du roi et je serai le fidèle compagnon de Méraugis ! – À la bonne heure ! » dit Gauvain. Et il remit son épée au fourreau tandis que Gorvain se relevait péniblement.
Méraugis accourut féliciter et remercier Gauvain. La belle Lidoine elle-même descendit dans la cour et vint les rejoindre en comblant Gauvain de bénédictions. Alors, sous le regard implacable du neveu d’Arthur, Gorvain et Méraugis s’approchèrent l’un de l’autre, se jurèrent amitié et fidélité avant de se donner l’accolade. Et, dans la forteresse, tous se réjouirent de cet heureux dénouement. Mais quand Gorvain Cadruz pria instamment Gauvain de séjourner quelque temps dans sa demeure, celui-ci dit : « Je te remercie, chevalier, mais je me suis déjà trop attardé. Il faut que j’aille à la cour saluer mon oncle qui doit désespérer de me revoir jamais. Après quoi, je repartirai poursuivre ma quête. »
Et, sur ce, ayant pris congé, il enfourcha Gringalet et partit au grand galop vers la cour du roi Arthur {22} .
8
Les routes de Carduel
Gauvain s’en allait par les routes et par les chemins qui conduisaient à Carduel où, il savait, son oncle, le roi Arthur, tenait sa cour. Il lui tardait d’arriver pour rassurer le roi, le saluer, ainsi que la reine et les compagnons de la Table Ronde, et pour raconter les aventures auxquelles il avait participé. Mais le soleil, qui n’arrête jamais sa course, était déjà si bas sur l’horizon que Gauvain croyait le voir s’enfoncer dans la terre. Aussi, quand il se vit surpris par la nuit dans les bois, ne manqua-t-il pas d’être fort contrarié. Il n’apercevait ni maison, ni abri et, faute de ne pouvoir plus diriger son cheval, il s’arrêta à un carrefour où se dressait un gros chêne dont le tronc semblait creux. Sans éprouver aucune peur, il mit pied à terre et, une fois retiré le mors pour que Gringalet pût paître l’herbe, il entreprit de s’installer dans la cavité de l’arbre, qui était assez profonde pour qu’il pût s’y recroqueviller. Au fond, il plaça une pierre plate en guise d’oreiller, et, quoiqu’il n’eût pas de couverture pour se protéger de la froidure nocturne, il était si harassé qu’il dormit jusqu’au lever du jour sans bouger ni pied ni main.
Or, comme il se levait et s’ébrouait pour achever de se réveiller, survint un chevalier de noble prestance qui, portant un bouclier rouge orné en son centre d’un léopard, chevauchait allégrement. La première impression de Gauvain se confirma, au fur et à mesure que l’autre approchait dans ce bel équipage. « Que Dieu te garde ! » lui dit-il. À quoi l’inconnu répondit : « Dieu te garde aussi, seigneur chevalier. » Puis, comme Gauvain le pressait de questions sur ses intentions, il expliqua qu’il n’entendait s’arrêter qu’il n’eût atteint la cour d’Arthur, et, non sans insolence, ajouta : « Maintenant, que cela te suffise ! Ne t’avise pas de me demander mon nom, je ne te le dirais pas.
— Eh bien, je me tairai, dit Gauvain, puisque tu le trouves bon. Mais, s’il te plaît, cheminons ensemble. Je vais aussi de ce côté. On nous trouvera plus fière allure, et nous devrons moins nous méfier. » À ces mots, l’autre, d’un air
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