Gisors et l'énigme des Templiers
à la fois les moyens
matériels nécessaires à la lutte contre les « Infidèles » et la
propagande, ainsi que le recrutement en faveur de la Croisade et de
l’implantation chrétienne en Palestine, il fallait une solide implantation dans
les pays d’Europe occidentale. Après tout, les habitants de ces pays devaient
être solidaires des Chrétiens d’Orient. De même, si l’on peut observer que
l’implantation templière correspondait aux grands carrefours et aux voies de
communication de l’Europe occidentale, cela répondait à une nécessité
absolue : assurer le cheminement rapide des hommes, des vivres et du
matériel, vers les ports d’embarquement de la Méditerranée. Tout cela est fort
logique. Mais est-ce vraiment la seule explication ?
La dispersion des établissements templiers, lorsqu’on
examine la carte d’Europe, n’est pas due au hasard. Certes, l’Ordre du Temple a
reçu, à partir du concile de Troyes, en 1128, date de sa reconnaissance
officielle, de nombreux dons de la part de grands seigneurs désireux de
participer à la Croisade, et, la plupart du temps, les dons qu’il recevait, bâtiments
ou terres, se trouvaient répartis un peu partout. Le plus souvent, il faut bien
le dire, il s’agissait de terres en friche, de portions de territoires encore
inexploitées. Mais les Templiers, qui, de l’avis unanime des observateurs,
étaient d’excellents gestionnaires, ont pratiqué ce qu’on appellerait
aujourd’hui le « remembrement » des terres dispersées. Ils ont
procédé à des échanges. Ils ont vendu certains domaines pour en acquérir
d’autres. Ils ont utilisé les sommes en numéraire qu’ils recevaient pour
acheter des propriétés. Tout cela paraît avoir été concerté, soumis à un plan
d’ensemble destiné à faire des établissements templiers des relais nécessaires
entre les régions les plus reculées de l’Europe occidentale et les ports de la
Méditerranée, au voisinage des principales routes de commerce. Il est
incontestable que la plupart des commanderies du Temple se trouvaient à des
points stratégiques de la vie économique, sociale et politique de l’Europe. En
somme, il semble bien, à l’analyse, que l’implantation templière corresponde au
réseau d’une immense toile d’araignée projetée sur l’Europe. Et s’il est vrai
qu’on peut justifier cette réalité par un souci d’efficacité dans
l’accomplissement du but de l’Ordre du Temple, on est en droit de se demander
quel était exactement ce but. On a souvent parlé du double langage des
Templiers. Mais avant d’y voir des raisons ésotériques, il faudrait peut-être y
discerner tout simplement des raisons politiques. Après tout, l’Ordre du Temple
a été créé pour surveiller les routes . En Palestine,
bien entendu. Mais pourquoi pas en Europe ? Une
structure unique, fort bien mise au point, fonctionnant dans les meilleures
conditions, ne pouvait-elle pas servir deux buts parallèles et qui n’avaient
rien de contradictoires ? L’obligation qu’avaient les Templiers de
s’assurer des ressources sur le continent européen pouvait fort bien se doubler
d’une obligation plus occulte : la Papauté avait tout intérêt à contrôler
les routes européennes si elle voulait faire plier à ses idéaux des souverains
parfois quelque peu frondeurs. Qui tient les routes, tient le pays. C’est un
point de vue auquel il faut se référer si l’on veut comprendre la grandeur,
puis la chute brutale, de l’Ordre du Temple. C’est en tout cas une hypothèse
qui n’est pas négligeable.
Cela dit, le réseau templier met en lumière certains points
forts occupés par les fameuses « commanderies » dont on retrouve les
traces, de nos jours, non seulement dans des ruines, dans des bâtiments
conservés ou restaurés, mais également dans des toponymes. On sait que les noms
de lieux persistent même après la disparition du groupe social dans lequel
l’appellation a pris naissance. Est-il besoin de rappeler que le nom de Paris
provient du nom du peuple gaulois, les Parisii , qui
occupaient les lieux au temps de César et de Vercingétorix ?
Cependant, à propos des lieux templiers, la plus grande
prudence s’impose si l’on cherche à établir une carte précise des endroits où
ils ont construit des édifices, où ils en ont occupé qui leur étaient
antérieurs, où ils possédaient seulement des terres. Certes, un lieu-dit
« le Temple » a de fortes
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