Gisors et l'énigme des Templiers
dont
ils avaient la jouissance depuis longtemps. C’est dire que cette commanderie
était la plus riche et la plus puissante de Normandie, tant par l’étendue de
ses domaines que par les revenus qu’elle pouvait en tirer. Et au XIII e siècle, d’autres donations s’ajoutèrent à celles de
la famille d’Harcourt. Nous savons qu’en 1312, quand les biens du Temple furent
attribués aux Hospitaliers, la commanderie de Renneville disposait d’une
étendue de terres comprenant cent quatre-vingt-dix acres de labours
« affermés vingt sols tournois l’acre », ce qui était assez
considérable. Le commandeur avait la main sur la moyenne et basse justice, et
des droits divers sur les paroisses avoisinantes.
Le siège de la commanderie se composait d’une grande maison
flanquée de deux tours, d’une belle chapelle dédiée à saint Étienne, d’une
basse-cour, avec logement pour le fermier, comprenant cour, jardin, bosquets,
ainsi que dix-huit acres de terres entourées de haies vives et de fossés situés
le long du chemin du Neubourg à Saint-Melin. Par la suite, le manoir fut
reconstruit par le commandeur des Hospitaliers Philippe de Mailly, à la fin du
XV e siècle. Épargné par la tourmente
révolutionnaire, l’édifice fut inexplicablement démoli en 1847. Il n’en reste
que des pierres éparses, et quelques fûts de colonnes cannelées. On cherche en
vain l’emplacement de la chapelle, et si l’on sait que le sous-sol contient des
caveaux et des souterrains, aucune fouille n’a encore été entreprise pour
retrouver des vestiges de ce qui a été la plus riche et la plus ancienne des
commanderies de la Haute-Normandie. Y aurait-il, ici aussi, une volonté
délibérée de cacher quelque chose ?
L’emplacement de Saint-Étienne de Renneville, son importance
au moment des querelles entre Plantagenêts et Capétiens, son rayonnement sur la
région, son ancienneté même, tout cela nous amène à poser certaines questions.
N’y a-t-il pas sur cet emplacement quelque secret qui dort, obstinément gardé
et enfoui ? N’est-il pas possible d’envisager que cette commanderie ait
conservé tout ou partie de ce problématique « Trésor » déménagé hors
du Temple de Paris ? L’isolement de la commanderie, le fait que, sous la
nouvelle direction des Hospitaliers, elle ait été maintenue en bon état, puis
agrandie avec soin, surtout le fait qu’elle ait été démolie sans raison valable
et sans intérêt notable, voilà de quoi faire réfléchir. Peut-être, après tout,
a-t-on voulu détourner l’attention sur Gisors alors que Renneville semble plus
propre à conserver des souvenirs templiers. Ce n’est qu’une hypothèse, mais
elle n’est pas absurde.
Une autre importante commanderie de la région est celle de
Sainte-Vaubourg, dite aussi Val-de-la-Haye, près de Rouen, sur la rive droite
de la Seine. Dès la fondation de l’Ordre, les Templiers se sont installés à
Rouen, étape importante sur la basse Seine, et plaque tournante du commerce
maritime et terrestre. L’emplacement de leur établissement primitif, qui
n’était peut-être pas une commanderie, se trouvait dans l’actuelle rue des
Cordeliers. Les Templiers possédaient également une maison rue du Basnage, près
de l’église Saint-Laurent. Ce n’est qu’en 1173 que le roi Henry II
Plantagenêt fit don au Temple de son manoir et de son parc de Sainte-Vaubourg
au Val-de-la-Haye. L’abbé du Bec-Hellouin et les religieux de son couvent,
desquels ressortissait le lieu, donnèrent leur approbation. Par la suite,
Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre confirmèrent la donation et accordèrent
aux Templiers en 1194 et 1199 des lettres d’amortissement qui réunissaient la
donation de leur père à toutes celles qui auraient pu leur être faites en
Normandie. La commanderie accrut considérablement son territoire par divers
fiefs et maisons urbaines, notamment à Rouen et à Caudebec-en-Caux. La maison
de Caudebec, du moins sa magnifique façade, existe toujours, mais l’établissement
de Sainte-Vaubourg a disparu. Il ne reste actuellement plus une seule pierre de
la chapelle, mais par un heureux hasard, les vitraux de cette chapelle ont été
sauvés. Ils avaient été, en effet, démontés et transportés à l’abbaye de
Saint-Denis. Depuis, ils ont été restaurés et transférés en un lieu plus
propice, puisqu’il s’agit de la chapelle templière de la commanderie de
Villedieu-les-Maurepas,
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