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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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regardée.
    Tellement regardée ? Elle voulait sans doute dire autre chose, mais n’avait pas la force de l’exprimer. Tron se contenta de lui demander avec précaution :
    — Et qu’avez-vous fait quand il vous a… tellement regardée ?
    — J’ai crié ! s’exclama-t-elle avec une surprenante violence. Depuis, il me déteste. Et maintenant que Constancia est morte…
    Elle s’interrompit et pencha la tête sur sa poitrine. Le commissaire put de nouveau voir sa main aux articulations blanches se refermer autour la croix.
    — Oui ?
    — Je ne sais pas quel destin m’attend.
    Sans doute n’avait-elle pas conscience des larmes sur ses joues car elle ne fit rien pour les essuyer. Tron, qui avait toujours un mouchoir impeccable dans sa poche, le lui tendit. Elle se sécha les yeux avec indifférence, comme si son visage appartenait à une étrangère.
     
    Il fallut à Bossi une petite heure pour achever ses photographies du crime . De ce fait, le retard du docteur Lionardo resta sans conséquence. Peut-être, songea Tron, le dottore avait-il même traîné exprès pour éviter de devoir attendre que le sergent ait fini.
    À présent, Bossi et lui se tenaient tous deux devant le piano à queue et regardaient le médecin légiste en train d’examiner le corps de Constancia Potocki avec de grandes précautions. Tron fut à nouveau frappé par le respect qu’il témoignait aux cadavres, un respect qui s’opposait de manière étrange à son comportement cynique dans d’autres domaines.
    Le sergent avait écouté son récit sans l’interrompre. Dès qu’il eut terminé, il prit la parole et enseigna au commissaire une nouvelle expression.
    — La fenêtre temporelle était donc étroite, lâcha-t-il d’un air méditatif.
    Tron hocha la tête.
    — Il ne s’est pas écoulé plus de trois minutes entre la fin de la mazurka et le moment où je suis entré dans la salle.
    L’expression fenêtre temporelle lui paraissait extrêmement limpide. Par exemple, il était maintenant presque dix heures, et la princesse n’allait pas tarder à fermer sa fenêtre temporelle pour ce soir. À bien y réfléchir, on passait sa vie à voir des fenêtres s’ouvrir et se fermer.
    — Par ailleurs, l’assassin n’a pu s’enfuir que par l’escalier de service, poursuivit-il. Or il n’y avait personne ni à l’étage intermédiaire ni au grenier. Anna Kinsky n’a croisé personne.
    — Elle pourrait avoir menti, suggéra Bossi.
    Le commissaire fronça les sourcils.
    — Pourquoi aurait-elle fait cela ?
    — Mlle Kinsky est assez jolie, remarqua le sergent. Or elle fait tout pour qu’on ne s’en rende pas compte.
    — Ce n’est pas un mensonge ! De plus, elle s’appelle Mme Kinsky. Elle est veuve et vivait à Trieste jusqu’à la mort de son mari. Comme elles étaient cousines, Constancia Potocki lui a proposé de s’installer chez eux pour surveiller les bonnes et la cuisinière.
    Bossi fixa le commissaire d’un air suspicieux.
    — Elle ne serait pas un peu… ? demanda-t-il en frappant sa tempe avec deux doigts. Pour moi, ces gestes frénétiques…
    — Vous voulez parler de la croix qu’elle serre en permanence dans sa main ? Et de ses yeux révulsés ?
    Son subalterne hocha la tête.
    — Non ! lui assura Tron. Elle se raccroche à cette croix pour ne pas se casser la figure. Nous avons tous besoin d’une canne. On prend celle qu’on trouve.
    — Vous croyez sa foi… sincère ?
    — Mme Kinsky est sous le choc. Les gens se comportent souvent de cette manière en pareille situation.
    Le sergent ne paraissait pas convaincu.
    — Cela n’explique toujours pas sa tenue. En temps normal, une veuve jeune et attrayante se…
    Il s’arrêta pour chercher le mot juste.
    — … mettrait en valeur ? suggéra le commissaire.
    — Oui, s’efforcerait de se montrer sous son meilleur jour. Soignerait sa toilette et éviterait de porter un bonnet de duègne. Ses chances de se remarier ne sont sans doute pas minces. Je me demande pourquoi elle s’obstine à le cacher.
    Tron haussa les épaules.
    — Potocki lui aurait fait des avances. C’est peut-être pour cela qu’elle s’affuble de la sorte.
    — Pour ne pas le provoquer ?
    — Ce serait compréhensible, raisonna Tron. L’idée de l’engager émanait de sa cousine. Il aurait été ingrat de sa part d’entretenir une liaison avec M. Potocki.
    Il fixa le sergent.
    — Bref, il se peut que vous ayez raison, Bossi. Anna Kinsky dissimule sa beauté pour ne pas

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