Hamilcar, Le lion des sables
et
d’agrès comme si une flotte devait bientôt y faire escale. Je suppose que les
navires romains mouillent plus au nord, à l’abri des regards indiscrets. Ils
comptent nous surprendre en agissant très rapidement et, sans doute, de nuit.
Je crois que tu dois mettre la garnison en état d’alerte.
— Et
leurs troupes ?
— C’est
une armée formidable. Je n’ai pas de mot pour la décrire. Elle me fait
l’impression d’un char conduit par des chevaux fous qui bouscule tout sur son
passage. Appius Claudius m’a affirmé que ses légions avaient pour mission de
traquer les brigands et les rebelles aux environs de Rhêgion. Je n’en ai pas
cru un mot car, pour mater ces insurgés, quelques centaines d’hommes suffisent
largement. Non, il s’agit bien d’une invasion et elle s’apprête à fondre sur
nous.
— Tes
propos m’inquiètent au plus haut point. J’ai deux mille soldats et mercenaires
sous mes ordres. Avec eux, je peux m’enfermer dans la citadelle et y soutenir
un long siège en attendant les secours.
— Et
les Mamertins ?
— Tu
as pu te rendre compte qu’il ne faut pas trop se fier à eux. Face à leurs
chefs, j’use de paroles mielleuses et de compliments, mais je sais bien qu’ils
sont prêts à nous trahir si les Romains leur font des offres avantageuses.
Voilà pourquoi je préfère ne pas éparpiller mes troupes en ville et les
regrouper dans la citadelle.
— Que
comptes-tu faire ?
— Pour
le moment, feindre l’optimisme. Les Mamertins ne doivent pas être avertis de
nos craintes. Dans le plus grand secret, je vais faire entrer des provisions et
du fourrage dans la forteresse. Celle-ci dispose d’un puits et nous ne
manquerons pas d’eau. Puis j’aviserai en fonction des événements.
— Que
dois-je faire ? Rentrer à Carthage pour prévenir le Conseil des Cent
Quatre de la situation ?
— Une
trirème partira ce soir et l’un de mes officiers se chargera de cette mission.
Celle que je vais te confier est plus importante. Tu t’embarqueras aussi à bord
du bateau – les Mamertins penseront que tu as regagné notre
cité – mais celui-ci fera escale à Syracuse. Son maître, Hiéron, est
notre principal allié en Sicile et il dispose d’une armée nombreuse et bien
équipée. Qu’il fasse route à marches forcées vers Messine soit pour briser
toute tentative de révolte des Mamertins, soit pour nous délivrer si nous
sommes assiégés dans la citadelle. Use de toute ton influence pour qu’il agisse
avec célérité. Il n’osera pas refuser son concours à Carthage surtout si celui
qui le sollicite est le fils d’un membre du Conseil des Cent Quatre. En
attendant le départ, prends un peu de repos. Tu l’as bien mérité et tu n’es pas
au bout de tes peines, loin de là. Je te ferai chercher quand l’heure sera
venue d’embarquer. Fais en sorte qu’on remarque ton départ. Les Mamertins
seront persuadés que ta visite était une visite de routine. J’espère que tu
seras bientôt de retour, aux côtés de Hiéron et de ses troupes.
Le soir
même, Hamilcar Barca s’embarquait avec ses compagnons, mis dans le secret, pour
Syracuse où ils accostèrent deux jours plus tard. Puissamment fortifiée, la
cité étalait insolemment au grand jour ses richesses. De larges rues pavées de
pierres délimitaient des quartiers d’habitation établis selon un plan en
damier. Çà et là se dressaient des temples aux colonnades majestueuses à
l’intérieur desquels les statues des dieux et des déesses étaient recouvertes
de feuilles d’or. Les demeures des plus riches citoyens de la ville étaient
immenses. Par-delà la porte d’entrée, l’on apercevait des jardins
somptueusement aménagés et des fontaines d’où l’eau s’écoulait par jets rapides
et saccadés. Épicide ne pouvait s’empêcher de commenter chaque détail. Certes,
il n’était pas originaire de Syracuse, mais la splendeur de la cité flattait
son orgueil de Grec. Peut-être était-ce pour lui l’occasion de revivre certains
moments de son enfance et de sa jeunesse qui s’étaient déroulées dans un cadre
similaire. Juba l’écoutait sans l’interrompre, émerveillé lui aussi par cette
débauche de luxe et de richesses.
Hamilcar,
lui, s’entretenait, tout en marchant, avec Magon. C’était le nom de l’officier
carthaginois qui l’avait accueilli au port et qui le conduisait chez Hiéron
dont le palais dominait la ville. Magon se trouvait à Syracuse
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