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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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les enfants de la même terre. Au fil des ans, nos familles se sont
mêlées par le sang et nos voisins ont adopté nos dieux et certaines de nos
coutumes. Aucun conquérant ne pourra se maintenir sur ces rivages contre la
volonté de leurs habitants. Voilà pourquoi je me rallie à ta proposition.
    — Je
constate, fit Hannon le Rab, que les intrigues contre moi vont bon train. Les
pires adversaires, dès lors qu’il s’agit d’abattre celui qui dirige cette
ville, sont prêts à tous les compromis et à toutes les alliances contre nature.
Admettons que les fils de Masinissa acceptent de lier leur sort au nôtre.
Bientôt, vous ne songeriez plus qu’à vous entre-déchirer. Plutôt que de veiller
à la prospérité de Carthage, vous consacreriez toute votre énergie à ourdir des
complots pour assurer le triomphe de votre propre parti. Toi, Itherbaal, tu
n’aurais de cesse d’obtenir le bannissement d’Himilcar et ce dernier te
rendrait la pareille. Une discorde plus grande que celle qui règne aujourd’hui
pousserait nos concitoyens à se conduire comme des bêtes féroces. Au bout de
quelques années, l’un d’entre vous se rendrait à Rome dans le plus grand secret
pour solliciter l’intervention du Sénat. Vous êtes de jeunes coqs prétentieux,
tout juste capables de monter sur leurs ergots pour faire admirer leur force.
Mais vous ignorez ce que veut dire aimer sa patrie et son peuple !
    — Puisque
tu es si sage, noble vieillard, fit Himilcar le Sammite, éclaire-nous de tes
lumières. Que devons-nous faire ?
    — Je
n’aime pas le ton badin que tu utilises, grommela Hannon le Rab. Il ne convient
pas à la gravité du moment et prouve que tu es indigne de diriger notre ville.
Pour ma part, j’avoue en toute humilité être écrasé par le poids de mes
responsabilités. Voilà des nuits que je ne parviens pas à trouver le sommeil
tant je redoute d’avoir à prendre une décision qui pourrait se révéler funeste.
Je ne veux pas conduire Carthage à sa perte. Or c’est ce qui arriverait
fatalement si nous décidions d’attaquer Rome ou de nous allier aux Numides. Dans
le premier cas, ce qui reste de notre armée serait écrasée en une seule
bataille. Dans le second, nous en serions réduits à dépendre du bon vouloir
d’êtres sauvages et incultes dont les exigences deviendraient exorbitantes. Je
ne me fais aucune illusion. Carthage a un seul allié : le temps. Face aux
menaces qui pèsent sur notre avenir, nous devons faire preuve de patience et
accepter quelques humiliations passagères afin de pouvoir reconstituer nos
forces. Voilà pourquoi je suggère d’envoyer une ambassade à Rome afin de lui
demander d’arbitrer le conflit qui nous oppose à Masinissa. Nous comptons
suffisamment d’amis au sein du Sénat pour qu’ils s’entremettent en notre
faveur. Autant le faire tout de suite puisque, de toute façon, tôt ou tard, vos
intrigues nous conduiront à solliciter l’intervention des Fils de la Louve. Et
mieux vaut le faire alors que notre position n’est pas entièrement désespérée.
    La
proposition d’Hannon le Rab fut adoptée à une confortable majorité car ses
arguments avaient ébranlé les indécis et ceux qui étaient tentés de suivre les
conseils de ses adversaires. Conduite par Magon, la délégation carthaginoise
dut attendre de longues semaines avant d’être reçue en audience. Les partisans
de Caton manœuvrèrent en effet habilement, attendant que Publius Cornélius
Scipion Corculum quitte la ville pour une tournée d’inspection en Grèce, afin
de recevoir les ambassadeurs, ainsi privés de leur plus influent protecteur.
Dans une curia Hostilia à demi vide, Magon plaida du mieux qu’il put sa cause,
soulignant que la bonne foi de Carthage ne pouvait être mise en doute. Le
Conseil des Cent Quatre n’avait-il pas condamné à mort Hasdrubal le boétharque
et ses complices, c’est-à-dire les responsables de l’ouverture des hostilités
avec Masinissa, en violation flagrante du traité jadis signé avec Scipion
l’Africain ? À ces mots, un sénateur, Marcus Aelius, ne put contenir sa
colère et interrompit grossièrement l’orateur :
    — Nous
nous félicitons chaudement de savoir que les plus félons d’entre vous doivent
expier leurs crimes. À condition toutefois qu’ils soient conduits devant le
bourreau. Or, par un curieux hasard, ils ont pu s’échapper de leur prison et
sont désormais hors d’atteinte. J’ai de bonnes raisons de

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