Hasdrubal, les bûchers de Mégara
croire que ton
maître, Hannon le Rab, n’est pas totalement étranger à cette fuite
providentielle. Vous auriez été mieux avisés de mettre hors d’état de nuire
Hasdrubal et ses complices avant qu’ils n’agressent de manière déloyale
Masinissa. En fait, vous avez toléré leurs agissements car vous étiez persuadés
que leur armée écraserait facilement le vieux roi numide et que ce dernier
serait tué au combat. Les dieux, dans leur sagesse, en ont décidé autrement et
c’est à ce moment seulement qu’afin d’apaiser notre courroux, vous avez
condamné à mort les responsables de vos malheurs. Nous crois-tu assez stupides
pour nous laisser abuser par une manœuvre aussi grossière ? Aux yeux du
Sénat, vous êtes aussi coupables qu’Hasdrubal et Azerbaal, et votre déloyauté
appelle un châtiment exemplaire.
— Si
tu nous crois fautifs, dis-nous plutôt comment nous pouvons mériter votre
pardon. Parle et je puis te garantir que ma cité se conformera scrupuleusement
à vos ordres. N’oublie pas cependant que, si nous avons mal agi, vous avez, de
votre côté, manqué aux obligations qui étaient les vôtres. Dès le début de la
crise, parce que nous souhaitions respecter les termes du traité signé avec
Scipion l’Africain, nous avons sollicité votre intervention. Vous nous avez
bercés de bonnes paroles et, un temps, nous avons cru que le message que vous
aviez fait parvenir à Masinissa serait suivi de pressions de votre part sur le
monarque qui avait osé envahir nos domaines. Or vous n’avez pas réagi lorsqu’il
est passé outre à votre mise en garde. Vous avez soigneusement évité de vous
prononcer clairement car vous attendiez de connaître l’issue de ce conflit. Si
les Numides avaient été vaincus, vous auriez affirmé haut et fort qu’ils
avaient été justement châtiés de leur impudence et vous nous auriez demandé de
vous accorder différents privilèges commerciaux pour vos négociants vivant dans
des régions passées désormais sous notre contrôle. Par votre passivité, vous
avez poussé à bout les uns et les autres et cela devrait nous valoir votre
indulgence. Aussi, je vous adjure de nous dire, une fois pour toutes, ce que
vous désirez de nous.
— Une
seule chose : que vous donniez satisfaction au peuple romain !
— Qu’entends-tu
par là ?
— C’est
à vous de savoir ce qui peut nous être agréable. Retourne à Carthage solliciter
l’avis de tes collègues et reviens avec des propositions concrètes. Nous
saurons alors si vous parlez ou non le langage de la vérité.
***
À son
retour dans notre ville, Magon rapporta fidèlement au Conseil des Cent Quatre
les exigences de Rome. Pendant de longues heures, nos magistrats discutèrent
pour savoir ce que voulait dire l’expression : donner satisfaction au
peuple romain. Pour certains c’était une invitation déguisée au paiement d’un
nouveau tribut. À court d’argent, la cité de Romulus cherchait de nouvelles ressources
financières et savait que nous étions en mesure de lui verser une indemnité
équivalente à celle que nous avions accordée à Masinissa. Pour les autres, cela
signifiait que nous devions lui offrir la possibilité d’installer des colonies
et des comptoirs dans la région des Emporia, devenue pratiquement indépendante.
Dans le plus grand secret, Hannon le Rab sollicita mon avis et celui
d’Azerbaal. L’un de ses conseillers vint nous trouver dans la ferme où nous
nous terrions en nous morfondant d’ennui. Nous lui fîmes savoir que si la
première solution était envisageable, à condition que le peuple ne soit pas le
seul à supporter la charge de ce nouveau fardeau, la seconde ne l’était pas.
Certes, quand ils s’installeraient dans les Emporia, les Fils de la Louve auraient
maille à partir avec les belliqueuses populations locales et il leur serait
malaisé d’imposer leur autorité avant de longues années. Mais ils finiraient
par soumettre leurs nouveaux sujets et leurs légions se trouveraient de la
sorte à quelques dizaines de jours de marche de Carthage. Nous ne pouvions le
tolérer et il convenait de gagner du temps en envoyant une nouvelle ambassade
demander des éclaircissements supplémentaires et distribuer des gratifications
à nos amis au sein du Sénat. Magon repartit donc pour Rome où il fut sèchement
éconduit par Marcus Aelius. À la question : « Que devons-nous faire
pour vous donner satisfaction ? », il obtint
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