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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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n’invoquât publiquement cette raison pour justifier son comportement.
    Je
préférai donc attribuer sa désertion à sa cupidité. Les Fils de la Louve
avaient acheté à prix d’or son ralliement et celui de ses hommes et ceux-ci,
dont la solde était plutôt modique, avaient cédé à l’appât du gain. Je tentai
également de minimiser les conséquences de cette trahison. Certes, nous avions
perdu un excellent général et deux mille cavaliers expérimentés mais rares
seraient ceux qui accepteraient de servir comme auxiliaires sous les aigles
romaines. Surtout, je fis comprendre à nos magistrats qu’ils devaient
s’abstenir, contrairement à l’usage, de représailles contre les familles des
traîtres. Les premières victimes en seraient nos otages détenus à Lilybée et
les sénateurs, tremblant pour la vie de leurs enfants, suivirent mon conseil.
    En fait,
je le réalise seulement aujourd’hui, la clémence que je préconisais était le
reflet du trouble profond qu’avait provoqué en moi le geste de Phaméas. Quand
Hannon me rapporta les propos qu’il avait tenus à ses hommes, je dus convenir
que ceux-ci ne manquaient pas de sagesse. Il avait mis l’accent sur ce que nous
nous refusions obstinément à voir : servir sa cité ne signifiait pas
forcément devoir mourir pour elle ou obéir aveuglément à ses dirigeants.
Peut-être avions-nous eu tort de refuser la proposition faite par le Sénat de
rebâtir Carthage à quatre-vingt-cinq stades de la mer. Était-il nécessaire de
sacrifier pour cela la vie de dizaines et de dizaines de milliers d’hommes, de
femmes, d’enfants et de vieillards ? Pour nos aristocrates et pour les riches
marchands, la réponse allait de soi. Pareil déplacement aurait entraîné leur
ruine. Mais en allait-il de même pour le peuple que nous n’avions pas songé à
consulter ? Certes, il avait massacré les porteurs de cette proposition
mais il avait agi sous le coup de la colère et parce que nos agents l’avaient
excité en distribuant de l’argent aux émeutiers et en faisant couler le vin à
flots. Viendrait peut-être le jour où, confronté à l’amère réalité, il
regretterait son geste.
    Mieux
valait donc ne pas accorder une importance exagérée à cette affaire et c’est
pourquoi je fis tout pour préconiser l’apaisement. Nos magistrats se rallièrent
à mes propositions, à la notable exception d’Hasdrubal l’étourneau. Celui-ci,
depuis qu’il avait repoussé victorieusement par deux fois les assauts des
Romains, était dévoré d’une ambition maladive. Ses conseillers, à force de
flatteries, l’avaient convaincu qu’il était le véritable sauveur de Carthage et
il en était venu à tenir pour négligeable l’action de mon armée. La trahison de
mon adjoint venait à point pour le confirmer dans cette analyse et il tenta
d’en tirer profit pour se faire désigner comme général en chef de nos armées.
Mutumbaal parvint, non sans mal, à contrer cette manœuvre mais je savais
désormais qu’une lutte à mort était engagée entre nous deux. Soit il
m’éliminerait, soit je l’éliminerais. La dualité de commandement avait fait son
temps et j’étais bien décidé à sortir vainqueur de cette épreuve.
     
    ***
     
    Avec
l’arrivée de la mauvaise saison, les opérations militaires se ralentirent
considérablement. Manius Manilius, prudent, se contentait d’envoyer des
patrouilles effectuer quelques missions de reconnaissance ou surveiller
l’acheminement des convois de vivres en provenance du royaume de Numidie. Quant
à la flotte romaine stationnée au large du lac de Tunès, il jugea plus prudent
de la faire hiverner dans la baie d’Utique, mieux protégée des vents. Cette
levée provisoire du blocus maritime me permit de faire évacuer une partie des
civils réfugiés à Aspis. Ils s’embarquèrent à bord de nos mauvaises trirèmes et
parvinrent à gagner sans encombre Carthage où ils s’installèrent dans le
faubourg de Mégara. Notre ville pouvait accueillir plusieurs centaines de
personnes supplémentaires car ses greniers regorgeaient de provisions.
    Les
artisans et portefaix réduits au chômage avaient trouvé à s’employer dans les
arsenaux et dans les ateliers ouverts dans les édifices publics et la
production d’armes atteignit des chiffres inespérés. Nous avions pu non
seulement reconstituer nos réserves mais les multiplier par deux. Il en allait
de même pour les machines de guerre. Bien que

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