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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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   Que diriez-vous d'une promenade demain soir? Nous pourrions arpenter la terrasse Dufferin. Je crois même qu'il y aura un orchestre.
    —    Bien sûr. Quel moment vous conviendra le mieux ?
    —    Je pourrais être devant chez vous à sept heures trente.
    Au cours des derniers jours, elle s'était demandé si cet homme allait donner de ses nouvelles. Ce n'était pas la première fois qu'elle sortait avec un «professionnel» - ce terme recouvrait à ses yeux un très large éventail de conditions sociales. Elle avait eu souvent à se défendre de leurs mains envahissantes dès le premier rendez-vous, puis n'avait plus entendu parler d'eux. Celui-là se montrerait-il plus sérieux ? Plusieurs de ses connaissances soutenaient que moins le jeune homme était empressé, plus cela témoignait de l'honnêteté de ses intentions.
    La conversation ne se prolongea guère. Lui ne savait trop comment terminer : prendre des rendez-vous par dépit amoureux ne le mettait pas de très bonne humeur. Quant à Germaine, debout dans le couloir, elle sentait les regards curieux de ses voisines. Celles-ci lui adressaient de petits sourires entendus. Dans la maison, toutes se trouvaient dans l'attente du bon parti ; cela créait un climat alternant entre la complicité et la compétition farouche.
    Le lendemain, ils se retrouvèrent, un peu gênés. Sur la terrasse Dufferin, Renaud lui offrit son bras, car tout le monde le faisait; elle le prit pour la même raison. Ils marchèrent un moment en échangeant les habituels commentaires sur la beauté du point de vue. Plusieurs centaines de couples allaient et venaient autour d'eux. Il y avait là des petites bonnes portant la robe noire de leur uniforme, au bras d'un chauffeur ou d'un ouvrier, profitant d'une soirée de congé en se rappelant que cette largesse les condamnait à travailler samedi et dimanche. Des commis au bras de vendeuses déambulaient aussi, de petits employés au bras de jeunes filles se payant le luxe de ne pas travailler entre leur sortie du couvent et leur mariage. Même de gros messieurs de la Haute-Ville venaient marcher un peu avec leur épouse pour faire passer un repas trop copieux.
    Renaud se demanda encore une fois comment il réagirait face à quelqu'un de ses nouvelles connaissances. Il n'osait même pas imaginer sa gêne s'il rencontrait Helen et Henri bras dessus, bras dessous. Dans un soupir, il choisit de refouler la question loin dans son esprit, se disant que, le cas échéant, il aviserait.
    Ils arrivèrent rapidement au bout des banalités habituelles entre des personnes plus ou moins à l'aise ensemble. Si la conversation ne prenait pas une allure plus personnelle, chacun devrait bientôt rentrer chez soi. Les livres qu'ils avaient lus tous les deux, les amis communs, même l'actualité dans les journaux, ne pouvaient occuper leur babillage. Déjà, Renaud avait évoqué les élections fédérales annoncées pour l'automne prochain. La jeune femme lui parut considérer que le choix entre les rouges et les bleus revenait à établir sa couleur préférée. En toute honnêteté, le jeune avocat en convenait, le résultat ne changerait absolument rien à l'existence d'une vendeuse chez THIVIERGE.
    Quand un homme et une femme ne se découvrent pas d'intérêts communs, il leur reste pour toute pâture les rapports amoureux. La plus intéressée par le sujet, Germaine fut la première à demander:
    —    Comment se fait-il que quelqu'un comme vous ne soit pas marié ?
    Posée comme cela, la question laissait une large part à l'interprétation. Le «comme vous» pouvait signifier plusieurs choses : riche, beau, instruit, ou une quelconque Combinaison de ces caractéristiques.
    —    Cela tient surtout au hasard, je suppose. Je suis parti en Angleterre à vingt ans pour étudier. Un an plus tard, j'étais soldat, un an plus tard encore, j'étais convalescent. Ensuite, j'ai repris mes études, avant de commencer à travailler. Tout simplement, l'occasion ne s'est pas présentée. Je viens tout juste de revenir.
    —    Cela doit être difficile de marier une Anglaise, fit-elle, pensive.
    Parce que les Anglaises étaient protestantes, parlaient une autre langue, avaient d'autres façons de vivre? Ou qu'elles levaient le nez sur un petit diplômé canadien-français ? La remarque amena le rose sur les joues de son compagnon.
    —    Je ne sais pas, je n'ai pas essayé, mentit-il.
    Il n'avait aucune envie d'aborder avec elle le

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