Haute-Ville, Basse-Ville
sujet de ses amours déçus.
— Vous n'êtes pas contre l'idée du mariage, toujours ?
— Non.
Renaud chercha ensuite un peu ses mots.
— Je suis cependant d'avis qu'il ne faut pas se marier à tout prix. Mieux vaut rester seul que de se trouver avec une compagne qui ne vous convient pas parfaitement.
Ce n'était pas la meilleure façon de dire les choses, mais cette attitude ne semblait nullement choquer Germaine. Renaud fut heureux d'entendre l'orchestre, juché à l'étage d'un kiosque abritant un petit restaurant, commencer à accorder ses instruments. Le concert lui permettait de ne pas détailler les choix s'étant offert à lui au cours des dix dernières années.
Composé d'amateurs à l'uniforme chamarré, l'orchestre se produisait dans les parcs de la ville pendant la belle saison. Cela fournissait un loisir honnête à ses membres, et les flonflons ajoutaient une gaieté certaine au cœur des promeneurs. Vers dix heures, le spectacle terminé, la foule se dispersa rapidement. Tous devaient travailler le lendemain. Renaud et sa compagne retrouvèrent la voiture. Il la reconduisit dans le quartier Saint-Roch. Debout devant sa porte, il lui demanda après une hésitation à peine perceptible :
— Si vous le voulez bien, nous pourrions aller pique-niquer dimanche prochain ?
— Ce serait avec plaisir, répondit-elle en lui adressant son meilleur sourire. Dois-je préparer quelque chose ?
— Je vais m'occuper de tout. Cependant, il faudra me dire où je dois vous emmener. Je ne connais pas bien les environs de Québec.
L'attention fit plaisir à la jeune femme: celui-là ne tentait pas de l'entraîner dans des endroits isolés.
— Bien sûr. A quelle heure ?
— Le mieux serait de se voir à la sortie de la messe. Je-peux vous prendre devant l'église ?
— Je serai sur le parvis à la fin de l'office.
Quand ils se dirent bonsoir, le jeune homme lui tint la main un peu plus longtemps que les convenances ne le demandaient. La prochaine fois, elle en était sûre, il allait l'embrasser.
Un rendez-vous sur le perron de l'église Saint-Roch présentait certains inconvénients pour Germaine. Elle se retrouvait avec un chapeau et des gants, vêtements de rigueur à l'église, en route vers les chutes Montmorency. La jeune femme n'avait simplement pas osé lui demander de faire un crochet chez elle, et lui n'y avait pas songé. La prochaine fois, elle serait peut-être moins timide et lui plus attentif.
La destination, dont elle assumait seule la responsabilité, ne lui plaisait qu'à demi. Sa dernière expédition à cet endroit, au début de l'été, s'était déroulée avec la chorale - dont Blanche. Cependant, elle connaissait peu d'endroits pour des activités de ce genre. Elle craignait les coins trop isolés, surtout avec un homme, tout en souhaitant aller assez loin pour profiter du trajet en automobile. Les plaines d'Abraham, le parc Victoria et le parc des Braves étaient trop près.
Le petit véhicule rouge leur permis d'accéder aux rives de la rivière Montmorency, en haut des chutes. Un ancien manoir se trouvait là, transformé en restaurant, de même qu'une salle de spectacle. De grandes pelouses, bien ombragées par de grands arbres, permettaient des promenades délicieuses. Surtout, des bandes de sable près du cours d'eau constituaient autant de plages minuscules; de grandes pierres plates invitaient à s'allonger au soleil. Ils s'installèrent tout près de l'eau, sur une petite surface herbeuse, discrète, au milieu de buissons.
Renaud extirpa du coffre de sa voiture un panier d'osier bien lourd. Il avait acheté le tout tel quel : la corbeille contenait une nappe, deux couverts, du pain, des viandes froides, des fromages, des fruits. Après bien des hésitations, l'homme avait ajouté une bouteille de vin blanc. Il possédait aussi une épaisse couverture à carreaux, sur laquelle ils pourraient prendre place tous les deux. Germaine trouvait le panier si «mignon» qu'il le lui offrit tout de suite. Elle avait laissé son chapeau et ses gants blancs sur la banquette de la voiture. Son vêtement du dimanche jurait un peu avec le chapeau de paille et les petites lunettes teintées de vert de son compagnon. Son accoutrement lui donnait l'air d'un villégiateur.
Renaud avait placé la bouteille de vin dans la rivière pour la rafraîchir un peu. Il l'ouvrit quand ils furent rendus aux fruits. Germaine, sans aucune habitude
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