Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
endroit? Devant sa maison de chambres, mieux valait afficher une réserve de gentleman. Si une de ses connaissances les voyait enlacés, sa réputation en souffrirait. Puis toutes les parties de son corps situées sous la ceinture étaient irrémédiablement interdites. Quant à discuter de la nature de leurs désirs sexuels réciproques, cela ne se faisait tout simplement pas.
    Après l'avoir ramené à l'ordre avant de quitter le restaurant, elle le prit par le bras et s'appuya sur lui une fois rendue sur le trottoir. Ce fut même elle qui suggéra :
    —    Nous pourrions aller au parc des Braves.
    Il acquiesça avec un sourire perplexe. Situé presque à la campagne, il s'agissait du parc le plus discret de tous. C'était une grande étendue herbeuse, avec des arbres et des buissons qui bordaient la falaise. Il longeait la rue Saint-Jean, qui devenait le chemin Sainte-Foy à cette distance de la ville. La rue des Braves avait été ouverte récemment. Les promoteurs avaient déjà érigé un certain nombre de maisons cossues, pour de nouveaux riches.
    La voiture garée le long d'une allée ombragée, ils commencèrent une longue promenade dans les sentiers du parc. Elle le poussa bientôt sous un bouquet d'arbres pour l'embrasser. Son enthousiasme lui fit penser qu'elle était exactement celle «pour qui il la prenait», c'est-à-dire une personne avec des appétits sexuels à satisfaire.
    En plein milieu de septembre, ces jeux en plein air offraient la discrétion relative des allées presque désertes, de l'obscurité de plus en plus hâtive et des imperméables dissimulant un certain désordre des vêtements. D'un autre côté, impossible d'adopter une autre station que debout. Renaud se trouva bientôt en train de dévorer Germaine de baisers, tout en malaxant ses seins avec douceur. Il laissa descendre ses mains sur ses hanches, sous son imperméable, essaya d'agripper ses fesses. Essaya seulement, car ses deux mains à elle prirent ses poignets et les ramenèrent vers le haut.
    —    Ne fais pas cela. Ce n'est pas bien.
    Elle ajouta pour la première fois :
    —    Je ne veux pas me retrouver enceinte.
    —    Il y a des façons de l'éviter.
    Elle s'éloigna un peu pour le regarder. « Se peut-il qu'elle ne connaisse même pas l'existence des capotes ? », se demanda-t-il. On ne faisait aucune publicité à leur sujet et l'Église était en mesure de s'assurer qu'elles ne soient pas placées en vue dans les pharmacies. Renaud venait justement d'en acheter. A tout le moins, elle ne pouvait ignorer son érection contre son ventre, l'urgence pour lui de trouver un dénouement satisfaisant. Mais elle ne tentait pas le moindre geste pour le soulager.
    —    Ces choses ne se font pas avant le mariage, précisa-t-elle en rougissant, comme si elle avait suivi exactement le cours de ses pensées.
    —    Elles peuvent très bien se faire, et sans risque.
    —    Sans risque pour toi, bien sûr. Les hommes cherchent à aller jusqu'au bout avec une femme et en épousent ensuite une autre, respectable celle-là. La première reste toute seule avec sa réputation détruite.
    Sa voix s'était faite un peu plus aiguë sur les derniers mots, au bord des larmes. Renaud se doutait bien qu'elle avait raison. Il y avait deux catégories de femmes, disaient les hommes entre eux, celles avec lesquelles on couchait et les autres, vierges, que l'on épousait.
    La crainte des grossesses hors mariage était sûrement le plus sérieux argument en faveur de la chasteté. Sans contraceptif, le risque devenait énorme. Dans cette éventualité, c'était la déchéance irrémédiable. Mais il y avait aussi la nécessité d'être intacte, pure, pour trouver un conjoint. Si à Québec, le lendemain de la nuit de noces, on n'accrochait pas le drap taché de sang à la fenêtre, comme cela se faisait dans certains pays, on n'en était pas loin. N'importe quel homme pouvait être le second avec une maîtresse ou le dix millième avec une prostituée; mais aucun ne voulait marcher sur les traces d'un autre dans le mariage. Une épouse, on la voulait neuve, innocente, pour tout lui montrer.
    Germaine devait être juste assez permissive pour donner à son compagnon le désir d'avoir le reste, sans jamais aller trop loin. L'étiquette de «femme facile» chasserait tous les prétendants sérieux. Cela valait autant pour la Haute-Ville que pour la Basse-Ville, quoique la morale traditionnelle pesât un peu plus sur les

Weitere Kostenlose Bücher