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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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serré à la taille. Avec ses vêtements, sauf la cravate, il était assis sur le fauteuil pour attacher ses souliers. Elle prit place juste en face de lui, au bord du lit.
    Le client sentit quelque chose de dur, derrière le coussin. Il passa la main et sortit un livre. D'une voix surprise, il déclara en retrouvant, en même temps que ses vêtements, l'usage du vouvoiement :
    —    Vous lisez cela ?
    —    Certaines putains savent lire.
    Au ton de sa voix, il sut l'avoir blessée.
    —    Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je donne des cours à l'université. Vous ne trouveriez pas trois étudiants de ma classe familiers avec Clair de terre, ou n'importe quel autre livre d'André Breton. Je me demande si ce texte n'est pas à l'Index.
    —    On peut l'avoir à la librairie Garneau. Pas sur les rayons, mais en demandant.
    Elle avait gardé un air un peu boudeur.
    —    Si ce n'est pas sur les rayons, comment faites-vous pour savoir quoi demander ?
    Habillés tous les deux, ils parlaient livres. La scène prenait une allure un peu étrange.
    —    J'achète quelques revues françaises et je prends en note les titres intéressants. Parfois, je demande simplement au libraire de me recommander quelque chose.
    Elle avait retrouvé le sourire. Il lui demanda son évaluation du livre. Elle lui en parla en bien, après lui avoir rappelé cependant :
    —    Vous payez pour parler littérature avec moi, vous savez.
    Il acquiesça de la tête. Ils continuèrent un long moment. Si les putains savaient lire, celle-là se distinguait tout de même par sa culture. Quand il la quitta, l'homme tendit la main, ce qui les fit rire tous les deux.
    En arrivant en bas, Berthe lui dit avec un gros clin d'œil :
    —    Vous êtes resté longtemps. Lara est bien gentille, n'est-ce pas ?
    —    Quand je reviendrai, j'aimerais la voir de nouveau. C'est possible ?
    —    Certainement. A cette heure-ci, c'est toujours tranquille. Si vous venez plus tard, vous pouvez même téléphoner pour avertir.
    Elle lui donna le numéro. La tenancière aimait bien ces clients réguliers. Ils formaient l'assise de son commerce.
    Les jours suivants, Renaud se sentit plus détendu, mieux disposé envers tout le monde. Quitter l'espèce de fébrilité sexuelle dans laquelle l'avaient mis ses longs mois d'abstinence le rendait plus serein. Moins entreprenant avec Germaine le lendemain, tout en étant plus souriant, il la laissa bien pensive sur la tournure de leur relation. Elise le trouva aussi un peu changé le lundi après-midi, au moment de poursuivre leurs visites politiques. Elle songea que son compagnon devait simplement s'habituer à entrer dans les maisons d'inconnus.
    Chaque mercredi, il se rendait à l'Université Laval à pied. Le trajet l'amenait à suivre la Grande Allée jusqu'à la porte Saint-Louis et à continuer tout droit jusqu'à la hauteur du Château Frontenac. Le chemin à emprunter était tellement évident qu'il trouva deux personnes qui l'attendaient. D'abord Henri Trudel, se tenant à peu de distance de l'hôtel du Parlement, qui l'accosta pour lui dire :
    —    J'espère que mon attitude de la semaine dernière ne vous a pas trop offusqué. Je m'excuse encore.
    Le «chef» devait faire une montée de politesse, comme d'autres font une montée de fièvre, pensa Renaud. Il lui dit de ne plus penser à cela.
    —    Par ailleurs, continua l'étudiant, je peux vous remettre le travail que vous m'avez demandé la semaine dernière.
    Renaud avait préparé pour lui un programme de lectures, avec une série de questions alambiquées à traiter. Il avait bien l'intention de lui faire faire un tour complet des ressources conjuguées des bibliothèques de l'Assemblée et de l'université sur le droit constitutionnel.
    —    Très bien, je vous lirai avec attention, soyez-en sûr.
    Le professeur reprit sa route pour rencontrer ensuite Jean-Jacques Marceau au milieu de la petite place, devant la cathédrale. L'étudiant se précipita vers lui, l'air catastrophé, pour déclarer :
    —    Je dois absolument vous parler.
    Renaud n'avait plus songé à la scène surprise dans le parc des Braves, mais visiblement le jeune homme paraissait hanté par l'incident. Il avait l'air défait et semblait au bord delà crise nerveuse. Le professeur ne désirait pas revenir sur l'incident, mais il ne pouvait se dérober à une demande aussi pressante.
    —    Après le cours. Je me rendrai dans le

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