Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
venir voir un mourant le 2 janvier. Aucune femme dans ta vie ?
    —    Aucune. Je pensais en avoir une, mais elle est allée passer les fêtes avec un autre.
    —    Trop de livres, je parie. Tu lisais tellement, quand tu étais jeune. Tu venais te cacher au parc Victoria pour lire des livres défendus. Des fois, quand on lit trop, on ne voit pas ce qu'on a sous le nez.
    Ce moment de sagesse fit grimacer l'avocat.
    —    Si des femmes viennent me faire manger à la petite cuillère, il doit bien y en avoir une qui accepterait de te recevoir. Remarque, je ne suis pas mal dans mon genre. Mais si j'étais toi, jeune et en santé, je me trouverais ailleurs. Qu'est-ce que tu veux ?
    —    Finir une conversation commencée l'été dernier. Vous vous souvenez?
    —    Comme si c'était hier. Moi non plus, je n'aime pas laisser les choses en suspens.
    —    Avez-vous regardé à qui appartenait le livret de banque ?
    —    Oui, j'ai regardé.
    Gauthier plissait les yeux, il le dévisageait avec un sourire malin. Il continua :
    —    Je me suis souvent demandé si quelqu'un me poserait encore la question. Le lieutenant Gagnon ne peut plus en parler maintenant. Il ne reste que moi, mais c'est une question de jours.
    Il s'arrêta encore, si heureux de le voir se languir.
    —    Henri Trudel, finit-il par déclarer.
    —    Seigneur! murmura Renaud. Nom de Dieu, quelle histoire !
    —    Cela te fait plus d'effet qu'à moi.
    Il n'allait pas lui expliquer la place de la famille Trudel dans sa vie. Comme après un coup de poing dans le front, l'avocat demeurait abasourdi.
    —    Le livret a été volé, marmotta-t-il après un moment. De plus, l'un des curieux l'aurait perdu sur la scène du crime.
    —    Possible. Il y avait un nuage de curieux, comme des mouches sur une charogne. Mais c'est comme porter une ceinture et des bretelles.
    —    Que voulez-vous dire? demanda Renaud avec un sourire à cette image.
    —    Trop d'explications. «Ce n'est pas moi qui l'ai perdu, et même si c'était moi, je l'aurais perdu en allant avec les curieux.» On veut trop convaincre, dans cette histoire.
    Le vieillard secouait la tête pour souligner son scepticisme.
    —    D'un autre côté, cela peut être vrai.
    —    Tout peut être vrai. Peut-être qu'au ciel il y a plein de belles femmes nues.
    —    C'est le chef Ryan qui vous a dit de ne pas parler de ça?
    —    Oui.
    Il fit un signe pour demander encore du gin.
    —    Le matin où il nous a vus ensemble. Le bonhomme revenait de chez les Trudel. Il a été trop gentil avec ce gars. Une enquête, ça se passe différemment.
    —    Avec ces gens-là, ce n'est pas toujours comme cela ?
    —    Oui, tu as raison. Mais cela ne devrait pas.
    —    Pourquoi n'en avez-vous jamais parlé ?
    Gauthier parut un peu honteux d'avouer sa faiblesse.
    —    Ryan a été très clair. J'avais besoin de mon salaire pour vivre. Après, j'ai eu besoin de ma pension. Cette pension, ce n'est pas un droit, c'est un cadeau qu'ils me font pour mes bons services. Cela doit être la même chose pour la famille de Gagnon.
    Il ajouta après une pause :
    —    Et puis, personne ne m'a rien demandé.
    Renaud fit une drôle de mimique sur ces derniers mots. Le vieux gardien expliqua :
    —    Que voulais-tu que je fasse ? Chercher les journalistes du Soleil pour le leur dire ? Au début, je ne voulais pas perdre ma pension. Après, je me suis retrouvé malade. Je me sentais trop déprimé pour penser à cela, trop faible.
    «Aussi trop intimidé, sans doute», pensa le visiteur. Si toutes les personnes en position d'autorité se dérobaient, que pouvait faire un vieillard malade pour exiger que justice soit faite ?
    —    Pourquoi me dites-vous cela aujourd'hui ?
    —    Elle était laide, pauvre, probablement pas très intelligente, mais ce ne sont pas des raisons pour laisser les assassins s'en tirer. Je prie pour elle tous les jours. Le bon Dieu m'a laissé en vie juste assez longtemps pour que quelqu'un vienne me demander à qui était ce livret.
    Renaud n'avait rien à répondre à cela. Helen s'était dérobée. Les théories de Lavigerie remontaient à sa mémoire à cause de sa colère contre Henri et tous les libéraux satisfaits, sûrs d'eux. Rejeté du clan, cette histoire revêtait une vague allure de revanche. Le vieux gardien levait le voile sur une toute petite partie du mystère. Sa présence tenait du

Weitere Kostenlose Bücher