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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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le jeune. Ne fais pas geler la maison.
    Gauthier se tassa un peu pour le laisser passer. Il se cramponnait à la poignée de la porte pour ne pas tomber. Il ne la lâcha que pour s'agripper à une chaise. Le malade avait mis bien du temps pour atteindre la porte car il devait s'appuyer sur tout ce qui se trouvait sur son chemin. Chacun de ses pas exigeait un effort inouï.
    —    Je vais vous aider, fit Renaud en lui prenant le bras.
    Le contact de la peau moite se révéla très étrange. Il sentait trop bien les os sous le bout de ses doigts. Même avec de l'aide, le trajet de cinq mètres dura une éternité. Le prendre dans ses bras pour le porter aurait été plus simple : il s'abstint pour ne pas blesser le vieil homme dans sa dignité.
    Un petit lit se trouvait tout près d'un poêle à charbon. Quelques journaux, des images pieuses, un crucifix, un chapelet servaient à meubler ses derniers jours. Gauthier s'étendit, essaya avec difficulté de tirer la couverture de laine grise sur lui. Renaud l'aida. Il se sentait terriblement mal à l'aise d'être là.
    —    Avoir su que vous étiez malade, je ne serais pas venu vous déranger comme cela.
    —    Ne dis pas de bêtises. Ça fait changement des petites vieilles. Elles viennent me voir dix fois par jour. Penses-tu, un vieux veuf impotent, elles trouvent ça drôle. Elles se vengent sur moi de tout ce que leurs maris leur ont fait endurer. Elles adorent me nourrir à la petite cuillère, comme un bébé, et me passer la bouteille-à-pisser.
    Un urinoir placé à portée de main avait servi récemment. Gauthier tutoyait son visiteur. Face à la mort, il se considérait comme l'égal du monde entier. Il parlait vite, d'une petite voix sifflante, entrecoupée de toussotements brefs qui lui mettaient une mousse rose aux lèvres. Il s'essuyait la bouche avec un mouchoir tout taché de sang.
    —    Je vais mourir, tu sais.
    C'était une certitude. Renaud fît un signe d'assentiment Nier l'évidence dans ces circonstances ne rendait pas les choses plus faciles pour le malade.
    —    Cancer du poumon, paraît-il, grommela le grabataire. Les médecins sont très utiles: grâce à eux, on sait de quoi on meurt. Partir rapidement, ce n'est pas si pire. Je ne souhaiterais pas cette maladie à mon pire ennemi. Si ce n'était pas péché, je prendrais un raccourci. J'ai encore mon revolver de service.
    —    Aujourd'hui, je suis fâché avec les curés. Oubliez-les, si c'est votre choix.
    —    Tu es fâché avec eux seulement depuis aujourd'hui? Moi, cela fait bien cinquante ans. Depuis qu'ils ont refuse d'enterrer mon père au cimetière. Le bonhomme avait pris un coup avant de se noyer dans la rivière Batiscan. Ils l'ont enterré juste à l'extérieur de la clôture. Tu savais qu'ils pouvaient faire cela ?
    Le souvenir le mettait en colère. Une toux cruelle le plia en deux. Après un moment pénible de raclements de gorge-sanglants, il reprit :
    —    Ne mêle pas la religion et les curés. Mais tu n'es sûrement pas venu me voir pour te faire convertir.
    Renaud sortit une bouteille de sa poche. Elle était enveloppée dans un sac en papier brun de la Commission des liqueurs.
    —    Je vous amenais un cadeau. Je ne sais pas si...
    —    Dans mes commandements de Dieu à moi, on attend son heure pour mourir, mais il n'est pas nécessaire de demeurer à jeun. Va chercher un verre dans la cuisine, prends-en un pour toi. En passant, mets un peu de charbon dans le poêle.
    Il faisait bien chaud dans la pièce, mais le vieillard grelottait. Renaud alla chercher les verres dans la cuisine et revint vers Gauthier. Il versa deux doigts de gin à chacun.
    —    Vous voulez ajouter de l'eau ?
    —    Ne fais pas ça. Mettre de l'eau dans quelque chose d'aussi bon ! C'est du gin de riche en plus, je gage. Cela va me rappeler mon temps de constable. On voyait des caisses disparaître dans le port et une bouteille tombait dans notre poche.
    Il fit un gros clin d'œil, porta le verre à ses lèvres d'une main tremblante. Après s'être rincé la bouche avec une bonne lampée il continua un peu plus fort :
    —    Les gens de la Haute-Ville, comme toi, payaient un petit peu plus cher leurs bouteilles, et nous autres on régalait la parenté.
    Renaud sourit, but à son tour. Il venait chercher une réponse à une question muette. Cinq mois plus tôt, il ne l'avait même pas formulée.
    —    Tu dois être terriblement seul, pour

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