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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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voir avec une requête très délicate, j'ai bien du mal à l'évoquer.
    Il y eut une pose. Le visage de Pelletier était intrigué, curieux presque.
    —    Marceau croit avoir subi un tort considérable pendant ses années de collège, plus exactement de la part du père Grenier. Un autre religieux aurait aussi été impliqué, et une troisième personne.
    Le visage de l'abbé Pelletier devint violet, comme chez quelqu'un qui s'étrangle en mangeant. L'effet était impressionnant, Renaud se demanda un instant s'il ne devait pas appeler à l'aide. Après avoir constaté que son interlocuteur respirait à peu près bien, malgré un curieux sifflement, il continua :
    —    Mon client veut des excuses. Il serait prêt à se présenter devant un tribunal pour les obtenir, je crois.
    Il y eut encore un long silence, puis le prêtre réussit à articuler :
    —    Je ne sais pas du tout à quoi vous faites allusion.
    —    Je fais allusion à une intimité sexuelle entre un adulte et un jeune garçon. L'adulte est toujours professeur dans un collège. La situation se révèle encore plus délicate, plus odieuse, car il s'agit d'un membre du clergé.
    Pelletier ferma les yeux. Son visage gardait sa vilaine couleur. Renaud se demanda s'il pouvait être poursuivi, si jamais l'autre rendait l'âme devant lui. Il l'entendit à peine quand il dit:
    —    Je n'ai jamais entendu parler d'une histoire comme celle-là.
    Ce n'était pas faux: on ne parlait jamais de ces choses. Il continua dans un souffle :
    —    Il est sacrilège de votre part de la répandre.
    —    Les avocats parlent toujours de crimes horribles. C'est leur métier. L'odieux n'est pas d'en parler, mais de se taire. Selon monsieur Marceau, vous êtes la quatrième personne impliquée, vous avez été témoin de ses ébats avec le père Grenier au moins à une reprise. Il m'a fourni le lieu et la date approximative de l'événement.
    —    Je n'ai jamais eu connaissance d'un événement comme celui auquel vous faites allusion. Jamais.
    Il avait répété le dernier mot un peu plus fort.
    —    Si nous en venions à un procès, vous diriez ces mots après avoir prêté serment, la main sur les Saintes Ecritures ?
    L'abbé Pelletier passa du violet au blanc. Il fixa Renaud dans les yeux avant d'affirmer:
    —    Oui, sans hésiter.
    L'avocat lui répondit par un sourire cynique. Le récit de Marceau était vrai-il n'en avait jamais douté-, l'émotion du jeune abbé le confirmait. Toutefois jamais celui-ci ne témoignerait en faveur de son «ami». Il se parjurerait même avec l'absolue conviction de servir sa sainte mère l'Eglise. Pour ce prêtre, les petits péchés de la chair pesaient bien peu, en comparaison de l'importance de protéger l'institution, Toutes ces soutanes feraient front, nieraient avec le même sang-froid qu'une mafia. Tout le monde dans l'appareil judiciaire, même les individus qui avaient enduré les mains envahissantes de directeurs de conscience dans leur jeunesse - il y en aurait certainement quelques-uns parmi eux - les croiraient volontiers.
    L'avocat ne dit pas un mot de plus et quitta les lieux. Il remettrait à Marceau son document, avec une note lui disant que personne, surtout pas l'abbé Pierre Pelletier, ne dirait un mot en sa faveur. Il clamerait ne pas vouloir s'en mêler lui non plus. Il n'ajouterait pas un mot sur la justice rendue avec une petite masse en fer. Si jamais ce zigoto le faisait, personne ne l'accuserait de l'y avoir incité. Il prendrait tout de même un cliché de ces documents et en tirerait des photos pleine grandeur, juste au cas.
    Renaud espérait faire une deuxième visite plus agréable. Il se trompait. Il avait trouvé dans un annuaire l'adresse d'Alcide Gauthier, le vieux gardien du parc. On indiquait «gardien delà paix» comme occupation, ce ne pouvait être que lui. Son appartement se trouvait à l'étage d'une petite maison en brique, dans Saint-Sauveur. Le visiteur frappa et attendit deux ou trois minutes, sans avoir de réponse. Peut-être le vieil employé était-il à une réunion familiale. Avant l'Epiphanie, les réceptions continuaient sans relâche. Il frappa encore, un peu plus fort, juste au cas.
    Puis la porte s'ouvrit sur un cadavre. Aucun autre mot ne pouvait mieux décrire le personnage. Comment un homme aussi maigre tenait-il encore debout? Sa peau grise était tendue sur ses os.
    —    Tiens, le jeune monsieur Daigle, fit-il. Entre, entre,

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