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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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sachant bien qu'il valait mieux se taire. Il se demandait combien de lettres identiques à celle-là avaient été réunies. Avec tous les libéraux influents membres de conseils d'administration susceptibles de voir sa correspondance, il devait en exister plusieurs. Il quitta la salle le premier, pour aller s'enfermer dans les toilettes.
    Quand les deux autres invités furent sortis, Antoine dit à son fils :
    —    J'ai eu peur pendant un moment. Son allusion à des scandales...
    L'autre acquiesça, saisissant très bien l'allusion.
    —    Tu crois que l'un ou l'autre de tes camarades a parlé de l'affaire à son père ?
    —    Je ne pense pas. Il n'y a pas de quoi se vanter. Je ne t'aurais jamais rien dit sans la visite de la police. Je vais essayer de m'informer auprès d'eux, tout à l'heure.
    —    Sois prudent. Ils n'ont pas plus intérêt que toi à ce que cela se sache. Rappelle-le-leur.
    Quand Samuel Fitzpatrick sortit enfin de la salle de bain où il s'était enfermé, il sentait un peu le gin et il fulminait de rage. Il gardait une petite bouteille dans ses poches, pour les urgences de ce genre. Il traversa la maison d'un pas rapide pour aller au jardin. Les autres arrivaient à la hauteur du court de tennis quand il les rejoignit.
    —    William, cria-t-il, on s'en va. On rentre à Québec.
    L'homme tourna les talons sans un mot de plus et se dirigea vers l'avant de la maison, où se trouvait sa voiture. Son fils regarda les autres, interdit, avant de le suivre. Antoine Trudel fit un signe de tête à sa femme, qui les retrouvait à ce moment. Le geste pouvait signifier de multiples choses, comme «Mets trois couverts de moins ce soir», «On ne le reverra plus jamais. Bon débarras» ou encore «Je ne sais pas ce qu'il lui prend ». Elle comprit sans doute le second de ces messages, car elle lui adressa un petit sourire satisfait.
    —    Alors, Armand, me présentes-tu ton jeune ami dont tu me dis tant de bien depuis deux jours ? déclara le maître de maison en se tournant vers le jeune inconnu.
    —    Renaud Daigle. Tu te souviens sûrement de l'avoir rencontré chez ses parents.
    —    Oui, mais c'était alors un collégien, pas un jeune homme, fit le ministre en lui serrant la main. Vous avez été conscrit pour le tennis. C'est la nouvelle manie des jeunes, courir après une balle en plein soleil.
    —    Nous les avons battus, glissa Elise, insistant un peu sur le « nous ».
    Le père fit un «Ah!» satisfait, la mère sourit. Renaud rougit en voyant tout cela.
    —    Nous souperons à sept heures ce soir, continua son hôte. D'ici là, voulez-vous vous joindre à nous pour un apéritif?
    —    Non, fit Renaud. Je vais retourner à l'hôtel pour me rendre plus présentable.
    Il fit un geste pour montrer sa chemise un peu trempée de sueur.
    —    Voici mon fils, poursuivit encore le ministre quand Henri les rejoignit à son tour. Je compte sur vous pour le faire travailler un peu, cette année. Nous avions prévu l'envoyer à Boston en septembre afin de compléter ses études, mais finalement le séjour a été remis d'un an. Il est aussi bien de régler la formalité du barreau avant de partir. Même s'il a déjà terminé sa licence, il a décidé de refaire le cours de droit constitutionnel avec vous.
    Daigle serra la main d'Henri. C'était un gaillard musclé, de vingt-trois ou vingt-quatre ans, les cheveux coupés court. Il avait la mine sérieuse de celui qui ne pouvait plus passer ses samedis après-midi au tennis. Pourtant, il n'était l'aîné des autres jeunes gens que d'un an ou deux. Ils échangèrent les banalités d'usage.
    Après avoir récupéré son veston, Renaud s'excusa. Madame Trudel lui rappela l'heure du souper à son tour, Elise lui adressa un petit salut de la tête. Son départ sembla sonner la débandade: les Lafrance et les Bégin gagnèrent aussi leur résidence d'été respective.
    Romuald Lafrance et Michel Bégin revinrent chez les Trudel avant leurs parents. Ils ne s'étaient pas revus tous ensemble depuis la fin de semaine fatidique. Henri avait préféré venir rejoindre sa mère et sa sœur à La Malbaie. Les deux autres étaient restés à Québec, mais eux aussi tentaient de se faire discrets. Ils prenaient leurs repas en famille, passaient leurs soirées à la maison. Ils voulaient se faire oublier, en quelque sorte.
    Le petit groupe se retrouva à l'extrémité du jardin. Quelques chaises donnaient sur la

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