Herge fils de Tintin
de 15 %,
qui tenait aussi au fait que l’auteur apportait les clichés.
Une chose est sûre : la relation avec Casterman s’accroît
au moment où se distendent les liens avec Le Vingtième
Siècle . Car il n’est pas question que des Aventures de
Tintin . Le dessinateur réalise de nombreux autres travaux
pour Casterman, comme la couverture et les illustrations
intérieures de La Légende d’Albert I er de son ami Paul
Werrie. Le roi-chevalier s’est tué sur les rochers de
Marche-les-Dames le 17 février 1934 et l’émotion est vive
dans le pays. Sur un sujet particulièrement délicat, le travail d’Hergé donne entière satisfaction. Un peu plus tard,
Charles Lesne lui demande de réfléchir à quelque chose de
neuf pour le prochain catalogue des livres de prix. Puis, il
lui confie la responsabilité des couvertures d’une série
d’albums pour la jeunesse : L’Oiseau de France.
Mais pour Hergé, l’essentiel reste bien sûr Les Aventures
de Tintin . Le dessinateur s’inquiète donc du retard que
prend la publication en album de l’histoire qui s’intitule
désormais Les Cigares du Pharaon . « Les grandes vacances
s’approchent. Cela va être un désastre », écrit-il le 26 mai
1934. Il lui faudra pourtant patienter jusqu’à l’automne.
Mais les années suivantes, il y aura bien d’autres retards, et
pas seulement du fait de l’éditeur. Hergé est et restera trèsexigeant techniquement. Toutes les épreuves doivent lui être
soumises, et les demandes de corrections sont nombreuses.
Est-ce la conséquence des efforts promotionnels de
Casterman ? Toujours est-il que cette quatrième aventure
de Tintin suscite des articles très favorables. Le premier
vient de l’entourage le plus direct. Dans Le Vingtième littéraire et artistique , Mgr Schyrgens rend compte de la
publication de l’album en termes tout à fait bienveillants :
On ne sait ce qu’il faut admirer le plus chez le dessinateur
Hergé : ou sa verve intarissable, ou son aimable fantaisie, ou
la technique très sûre et l’art avec lesquels il fait vivre ses
petits personnages et nous les présente dans un mouvement
endiablé [ sic ! ] 15 .
Quelques mois plus tard, dans la revue L’Œuvre nationale de l’enfance , Jeanne Cappe fait entendre, avant de les
réfuter, des critiques contre la bande dessinée que l’on
retrouvera souvent sous la plume des pédagogues :
Je ne suis pas sans quelques préventions à l’endroit des histoires locales écrites en phylactères. Ou bien elles sont niaises
et puériles, ou bien, plaisantes à leur début, elles veulent
ajouter indéfiniment les aventures aux aventures, ce qui épuise
bientôt leur intérêt. Je craignais que pareil sort n’advînt à
Tintin. Cependant, le dernier album de ses aventures, Les
Cigares du Pharaon , est loin de m’avoir déçue. C’est un excellent roman policier pour gosses, avec des trouvailles qui font
honneur autant à l’écrivain qu’au dessinateur. L’éloge de celui-ci n’est plus à faire : il sait camper ses personnages et traduire
avec un esprit qui se renouvelle le mouvement et l’action 16 .
Bref, tout va pour le mieux. Et pourtant tout reste à
faire.
----
1 Numa Sadoul, Tintin et moi, entretiens avec Hergé , édition
définitive, Casterman, 2000, p. 148.
2 Thierry Smolderen, Les Carnets volés du Major , Bruxelles, Schlirf
Book, 1983, p. 3.
3 Lettre d’Hergé à un lecteur, 10 novembre 1973 ; cité par Pierre
Assouline, in Hergé , Gallimard, coll. « Folio », 1998, p. 125-126. Il est
probable que l’ami en question était Philippe Gérard.
4 Les Cigares du Pharaon , version noir et blanc, p. 52.
5 Soirées , 20 juillet 1934.
6 Henri Roanne, entretien inédit avec Hergé, 1974.
7 Le Petit Vingtième , 10 mai 1934. Cité par Pierre Assouline, in Hergé , Gallimard, coll. « Folio », 1998, p. 116.
8 Non publiées à l’époque, ces deux planches figuraient dans la
première édition du Tintin et moi de Numa Sadoul. Elles sont
reproduites dans Hergé, chronologie d’une œuvre , Moulinsart, 2001,
tome II, p. 230-231.
9 L’Atlantide de Pabst était sorti à Bruxelles quelques mois auparavant ; Hergé l’avait vu et grandement apprécié. Parmi les cinéastes
des années trente, Pabst est d’ailleurs celui qu’il cita le plus souvent. L’Opéra de quat’sous le marqua particulièrement.
10 Lettre de Charles Lesne à Hergé, 12 décembre 1933.
11 Lettre
Weitere Kostenlose Bücher