Hiéroglyphes
conseiller.
— Il
a jeté un sort à Napoléon, et tenté de
l’indisposer contre nous. C’est pourquoi nous pouvons
vous aider. Vous voulez vous réconcilier ? »
Elle
acquiesça d’un signe de tête, les yeux humides.
« Ç’a
été une telle surprise. Nous ne savions pas qu’il
rentrait. Je me suis précipitée de chez mon meilleur
ami pour le rencontrer. Mais ces imbéciles ont pris le mauvais
tournant. »
Elle
se pencha par la fenêtre de sa voiture pour agripper le bras
d’Astiza.
« Il
faut lui dire que, malgré tout le reste, je l’aime. S’il
obtient un divorce, je suis sûre de tout perdre. Mes enfants
seront sans un sou. Est-ce ma faute s’il part pendant des mois
et même des années ?
— Alors,
ce sont les dieux qui ont arrangé cet accident, vous ne croyez
pas ? répondit Astiza triomphalement.
— Les
dieux ? »
Je
tirai Astiza en arrière.
« Qu’est-ce
que tu crois être en train de faire ? »
Elle
me souffla en réponse :
« C’est
ta clef pour entrer chez Bonaparte. Il sera entouré de
soldats. Comment allons-nous parvenir jusqu’à lui sinon
par l’intermédiaire de sa femme ? Elle le trompe,
c’est notoire, et s’alliera avec quiconque pourra servir
sa cause. L’occasion est trop belle d’avoir Joséphine
dans notre camp. Elle découvrira où est le rouleau, en
couchant avec lui, à ce moment où les hommes perdent le
peu d’esprit qu’ils peuvent avoir.
— Qu’est-ce
que vous complotez, tous les deux ? »
Astiza
se retourna vers Joséphine.
« S’il
vous plaît, madame, notre voiture ne peut plus rouler, mais il
est impératif que nous rencontrions votre époux. Je
crois que nous pouvons nous entraider. Si nous rentrons avec vous,
nous assurerons votre réconciliation.
— Comment ?
— Mon
compagnon est un franc-maçon notoire. Nous connaissons la clef
d’accès à un livre ancien qui donnerait à
Napoléon un immense pouvoir.
— Franc-maçon ? »
Elle
me jeta un regard en coin.
« L’abbé
Barruel, dans son célèbre ouvrage, a dit qu’ils
étaient à l’origine de la Révolution. Les
Jacobins faisaient tous partie d’un complot maçonnique.
Mais le Journal des hommes libres affirme que les francs-maçons seraient des royalistes avides
de rétablir la monarchie. »
J’entrai
dans le jeu, prudemment :
« L’avenir
de votre mari est inscrit dans le livre sacré, madame. »
Mon
intervention l’intrigua, la fit s’interroger :
« Un
livre sacré ?
— En
provenance d’Égypte, répondit Astiza. Si nous
repartons tout de suite, nous serons à Paris au lever du
jour. »
À
ma grande surprise, Joséphine accepta. Elle avait été
si fortement secouée par le retour de Napoléon, furieux
d’apprendre le possible adultère de son épouse,
que toute assistance, fût-elle improbable, la rassurait. On
abandonna donc l’épave de notre voiture volée,
ainsi que les gitans cachés entre les arbres, pour finir le
voyage en compagnie de M me Bonaparte.
« À
présent, dites-moi tout ce que vous savez ou je vous fais
jeter dehors. »
J’amorçai :
« J’ai
trouvé un livre qui confère de grands pouvoirs.
— Quelle
sorte de pouvoirs ?
— Celui
de convaincre. D’enchanter. De vivre très longtemps,
voire éternellement. D’agir sur les gens et sur le cours
des choses. »
Ses
yeux brillèrent de convoitise alors que j’enchaînais :
« Le
comte Silano nous a volé ce livre et s’est attaché
à Bonaparte comme une sangsue. Mais le livre n’a pas
encore été traduit. Nous seuls pouvons le faire. Si la
propre femme de Bonaparte peut lui en offrir la clef, alors votre
mari vous reviendra, madame. Je vous propose une alliance. Avec notre
secret, vous aurez la clef de la chambre conjugale. Avec votre
influence, nous pourrons reprendre le livre, écarter Silano et
puissamment aider Napoléon. »
Elle
n’avait retenu qu’un mot, au passage :
« Quelle
clef ?
— Celle
d’un étrange langage ancien, perdu depuis longtemps. »
Astiza
pivota sur le siège qu’elle occupait, et je délaçai
doucement le dos de sa robe. Le tissu s’écarta, relevant
les caractères renforcés par le henné.
La
Française eut une sorte de hoquet.
« C’est
l’écriture du diable ?
— Plutôt
l’écriture de Dieu.
— Peu
importe si nous gagnons, n’est-ce pas ? »
Thot
avait-il enfin décidé de nous sourire ? On fila
jusqu’au domicile de Bonaparte, à
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