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Hiéroglyphes

Titel: Hiéroglyphes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Dietrich
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d’une
voix plus douce, plus compréhensive. Jéricho nous
surveillait de près et mêlait à nos conversations
des commentaires sacrilèges. Comment l’en blâmer ?
Miriam était une associée loyale, fidèle comme
un chien de garde, et je n’étais qu’un vagabond
sans foi ni loi, à l’avenir problématique. Je ne
pouvais m’empêcher de la désirer, et Jéricho
était un homme. Il savait ce que je ressentais. Pis encore, je
pourrais la convaincre de me suivre en Amérique. J’avais
remarqué qu’il consacrait, chaque jour, plus d’heures
de travail à la finition de mon rifle. Il avait hâte de
l’achever et de me voir partir.
    Nous
avions atteint les pluies hivernales, sur une Jérusalem encore
plus grise et triste. Les rapports affirmaient que le meilleur
général de Bonaparte, Desaix, avait remporté de
nouveaux triomphes et semé d’autres ruines
spectaculaires en remontant les rives du Nil. Smith naviguait entre
la ville d’Acre, le blocus d’Alexandrie et
Constantinople, préparant le terrain en prévision des
assauts printaniers de Napoléon. Des troupes françaises
se rassemblaient à El-Arich, près de la frontière
palestinienne. La chaleur croissante du soleil baignait les vieilles
pierres, la guerre se rapprochait et certain soir brumeux où
Miriam partait pour le marché, à la recherche d’épices,
je me décidai, sur une brusque impulsion. J’avais envie
de bavarder avec elle hors la surveillance attentive de son frère.
Suivre une femme dans Jérusalem n’entrait pas dans les
mœurs, mais j’essaierais de créer l’occasion
de lui parler. Je me sentais si seul. Que pourrais-je lui dire ?
Je n’en avais pas la moindre idée.
    Je
la suivais à distance, en m’efforçant
d’improviser une raison plausible de la rejoindre ou cherchant
un moyen de la contourner pour que notre rencontre parût
fortuite. Quelle chose étrange que cette incapacité des
êtres humains d’exprimer simplement ce qu’ils ont
dans le cœur ! Elle parcourut, d’un pas rapide, le
tour des étangs d’Ézéchiel, descendit
jusqu’au souk qui partage en deux la cité, acheta
quelques produits alimentaires, longea d’autres étals et
s’engagea dans les ruelles qui mènent aux marchés
du quartier musulman de Bezetha, après la résidence du
pacha.
    Et,
soudain, elle disparut…
    À
un moment donné, elle se dirigeait, par la Via Dolorosa, vers
le portail des Ténèbres et la tour El-Ghawanima, qui
donnent accès au mont du Temple, et, la seconde suivante, elle
n’était plus là. Je m’arrêtai,
troublé. Avait-elle remarqué ma présence et
décidé de m’éviter ?
    Je
forçai l’allure, longeant des portes closes et
conscient, finalement, que j’étais allé trop
vite. Je revins sur mes pas. Et là, d’une courette
adjacente à une antique arche romaine qui enjambait la rue,
j’entendis un bruit de voix. Rudes et impatientes. Bizarre
comme un son ou une odeur peuvent stimuler la mémoire.
J’aurais juré que cette voix masculine m’était
familière.
    « Où
est-ce qu’il va ? Qu’est-ce qu’il cherche ? »
    Le
ton était menaçant. À quoi elle répondit,
terrifiée :
    « Je
n’en sais rien ! »
    Je
franchis une grille qui débouchait sur une de ces cours
encombrées de gravats et d’immondices qui servaient
souvent d’étables à chèvres. Quatre brutes
en manteaux français et bottes européennes entouraient
la jeune femme terrorisée. J’étais sans arme, en
dehors de mon couteau arabe. Mais ils ne m’avaient pas encore
vu, j’avais donc l’avantage de la surprise. Ils n’avaient
pas l’allure d’individus que je puisse bluffer. Je
cherchai donc, autour de moi, une arme efficace. « Se
trouver réduit à ses seules ressources, c’est
devoir affronter les caprices de la fortune », disait
volontiers Ben Franklin. Mais, bien sûr, il avait plus de
ressources que la moyenne des hommes.
    Je
repérai un cupidon de pierre défiguré et castré
par chrétiens ou musulmans ennemis des idoles et des nus
païens en peinture ou en sculpture. Il gisait parmi les débris
épars telle une poupée oubliée.
    Ce
qui restait de cette statue avait à peu près le tiers
de ma taille et pesait assez lourd. Je pouvais tout juste la lever
au-dessus de ma tête. J’y parvins d’un effort
brutal, fis une prière au dieu qu’elle représentait
et la lançai à l’instant même où ils
remarquaient mon entrée. Elle leur arriva dans les jambes, les
culbuta les uns contre les autres,

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