Histoire de France
violente. La petite bourgeoisie, les boutiquiers irrités par la crise économique, en furent l’élément principal. Aussi n’est-on pas surpris de retrouver aux « journées » de la Ligue le caractère de toutes les révolutions parisiennes, celles du quatorzième siècle comme celles de la Fronde et de 1789.
En 1576, la Ligue avait langui. Cette fois, elle mit encore plusieurs mois avant de faire explosion. L’idée d’Henri III était d’user les catholiques et les protestants les uns par les autres. Tout en affectant de se conformer aux désirs des ligueurs, il cherchait à ménager les protestants. Une maladresse dérangea ses projets. Contre ses instructions, son lieutenant, le duc de Joyeuse, chargé de contenir le roi de Navarre, redevenu chef des calvinistes, lui offrit la bataille et l’occasion de la gagner. Le Béarnais vainquit à Coutras (1587). C’était la première victoire que les protestants remportaient. Henri de Bourbon en profita modérément. Il donnait déjà l’impression qu’il se comportait en futur roi de France plutôt qu’en chef de parti et « qu’il voulait laisser entier l’héritage qu’il espérait ». Mais Coutras produisit un effet profond sur les catholiques. Henri III devint suspect de faiblesses et de ménagements calculés en faveur des ennemis de la religion et de l’État. Il fut accusé de trahir. D’innombrables libelles, d’une violence extraordinaire, furent publiés contre lui. Le cri de la Ligue devint : « Sus au roi ! » Les ligueurs réclamaient des états généraux. Ils annonçaient ouvertement que, si Henri III mourait, l’ordre de succession serait changé et que le cardinal de Bourbon serait appelé au trône et non pas le protestant Henri de Navarre. Des prêtres, en chaire, accusaient le roi de tous les vices et de tous les crimes : il n’est pas étonnant que sa mémoire nous soit arrivée si salie.
Aucun gouvernement n’eût souffert pareil scandale sans se condamner à disparaître. Henri III voulut sévir et ordonna l’arrestation des prédicateurs qui l’insultaient. Aussitôt la ville s’émut, les ligueurs prirent les armes et appelèrent le duc de Guise qui vint à Paris malgré la défense du roi et fut acclamé par la foule. La ville se remplissait de ligueurs accourus des provinces environnantes et l’insurrection se préparait devant les autorités impuissantes, puisque la commune de Paris assurait elle-même sa police. Le gouvernement devait se défendre ou abdiquer. Henri III se résolut à une sorte de coup d’État, et, violant le privilège municipal, fit entrer un régiment suisse et des gardes françaises. Alors les ligueurs crièrent à l’illégalité et à la tyrannie, des barricades se dressèrent dans toutes les rues et jusqu’au tour du Louvre, où les agitateurs parlaient d’aller prendre le roi. Henri III était presque seul au milieu de Paris hostile. Il n’attendit pas d’être arrêté et s’échappa secrètement avec un petit nombre de gentilshommes et de conseillers.
Cette « journée des barricades », cette insurrection parisienne, cette fuite, les sentiments républicains de beaucoup de ligueurs, montrent comme la royauté était tombée bas. Pourtant c’est à Chartres, où Henri III s’était réfugié comme jadis Charles VII à Bourges, que s’étaient réfugiées aussi l’idée de l’État et l’idée nationale. Ce qui se battait en France à travers les partis, c’était l’étranger. Élisabeth soutenait les protestants. Philippe II la Ligue. L’Espagne et l’Angleterre continuaient chez nous la lutte qu’elles se livraient depuis longtemps. Et c’est un bonheur pour la France qu’aucune puissance n’ait alors été en mesure de profiter de ses désordres, l’Allemagne étant divisée, l’Angleterre tenue en respect par les Espagnols, tandis que le désastre de l’Armada dispersée devant les côtes anglaises enlevait à Philippe II les moyens de dominer l’Europe. La France était pourtant si affaiblie que le duc de Savoie pouvait se permettre de lui enlever le marquisat de Saluces.
La royauté humiliée, obligée de subir les exigences de la « Sainte-Union » ; l’anarchie partout ; la République, que les protestants n’avaient pu faire, à moitié réalisée par les catholiques : en 1588 les états généraux de Blois, triomphe de la Ligue, donnèrent ce spectacle. Des députés ligueurs demandèrent que la France se gouvernât comme
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