Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
à la fois.
Mais la désunion se met parmi les défenseurs
du pays et de la monarchie ; le désespoir les prend, et le 24
juin 1815, après une défaite sanglante, Auguste de La
Rochejacquelein signe la paix. Le lendemain, la Vendée apprenait le
désastre de Waterloo et la nouvelle chute de Napoléon : elle
avait désespéré vingt-quatre heures trop tôt ! Quinze jours
après, Louis XVIII rentrait à Paris avec les étrangers. Loin
d’appeler l’invasion en France, les Bretons et les Vendéens, c’est
là leur dernière gloire, l’avaient repoussée de toutes leurs
forces. Il fallut les contenir énergiquement pour les empêcher de
se jeter en masse sur les troupes étrangères.
En 1832, une femme, une mère, une héroïne
d’autrefois crut soulever Bretons et Vendéens. Elle trouva quelques
dévouements dignes de son courage ; mais elle ne put ébranler
des peuples mieux traités par le gouvernement de 1830 que par la
restauration. L’affaire de 1832 ne fut donc qu’une aventure, mais,
comme on l’a très-bien dit, « une aventure chevaleresque,
digne encore de la Bretagne et de la Vendée, et dont l’histoire
fera un beau livre, quand le jour sera venu de la raconter sans
passion. »
ÉPILOGUE.
Nous avons essayé d’esquisser les principaux
traits de l’histoire de la Bretagne avant et depuis César jusqu’à
nos jours, et nous espérons avoir justifié le titre de ce livre,
dont les Bretons n’ont pas un seul instant démenti la glorieuse
devise.
Il manquerait pourtant quelque chose à notre
travail, si nous ne jetions pas un coup d’œil sur le caractère
actuel de ce peuple héroïque. Grand dans la lutte, qui sait si dans
le repos il n’aurait pas, comme trop d’autres nations, hélas !
perdu ou altéré sa vieille foi, ses mœurs naïves, ses pensers
sublimes ? Voilà ce que nous nous sommes demandé, et ce que se
demanderont avec nous les lecteurs de l’histoire de Bretagne et les
admirateurs de ses gloires dans le passé et à travers cette
révolution française, qui ne semble avoir été faite par eux que
contre eux.
Il y a encore quelques années, qu’en présence
de l’immuabilité des peuples bretons, de leur résistance à ce que
le siècle présent nomme le progrès matériel, des enthousiastes à
courte vue des lumières du XIX e siècle
disaient : « Cette nation n’a rien appris, et elle n’a
rien oublié. »
M. Daru, en 1826, résumait ainsi les
reproches qu’on se croyait en droit d’adresser à la vieille
Armorique, et nous avons cru que nous devions le citer, comme
l’expression la plus mesurée de ces récriminations qui chaque jour
perdent de leur prétendue force devant l’expérience que nous ont
apportée les dernières révolutions de la France.
« Pendant toutes les révolutions de
l’ordre politique, le caractère grave de ce peuple a repoussé,
peut-être avec trop d’opiniâtreté, toutes les innovations qui
auraient pu augmenter son bien-être et améliorer son état moral.
Francs, braves, laborieux, économes, mais méfiants et obstinés dans
leurs préjugés, les Bretons ont résisté au frottement, et ne se
sont point polis par le contact des autres peuples. Les routes, les
canaux, les établissements publics, sont encore chez eux fort loin
de l’état où on les voit dans les autres provinces du même empire,
et il ne serait pas juste d’en rejeter entièrement la faute sur la
négligence ou le machiavélisme de l’administration. Il est possible
sans doute qu’un ministre se soit cru un habile homme d’État parce
qu’il laissait ce peuple dans l’ignorance ; mais il faut
convenir que les Bretons s’y prêtaient merveilleusement. Peut-être
faut-il aussi attribuer une part dans ces déplorables résultats à
une autre cause qu’on n’a pas assez observée. Après avoir passé
plusieurs siècles sous le régime féodal, plus dur chez eux que dans
les provinces voisines, ces peuples étaient tombés sous le joug
aristocratique… Or, il n’est pas de la nature de l’aristocratie de
favoriser le développement de l’intelligence dans la classe
inférieure.
« L’agriculture est encore
très-imparfaite en Bretagne ; de vastes plaines, qui forment
la moitié de la surface du pays, restent incultes. On ne tire pas
des mines le parti qu’un peuple industrieux pourrait en tirer. La
nourriture des habitants est grossière et parcimonieuse ;
l’espèce robuste, mais petite. Comme tous les peuples ignorants,
ils sont
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