Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
injures
des collecteurs, la malheureuse alla attendre Geoffroy au passage,
et se dressant derrière une haie, elle lui lança une pierre qui
l’atteignit à la tête et le tua sur le coup.
Mais sa mort n’avait pas satisfait les
paysans : ils chassèrent les exacteurs, se réunirent en foule,
armés de pieux et de faux, et causèrent de grands ravages. Ils
assiégèrent les châteaux, les détruisirent, les brûlèrent et firent
périr tous les nobles qui eurent le malheur de tomber entre leurs
mains. Quinze années suffirent à peine pour éteindre une guerre
d’extermination commencée pour un sujet futile en apparence, mais
qui touchait aux intérêts les plus pressants du peuple, à son
existence de chaque jour. On parvint enfin à dompter les paysans
rebelles, et la veuve de Geoffroy employa tout l’ascendant que lui
donnait son caractère conciliant pour étouffer l’esprit de
vengeance, et adoucir les châtiments réservés aux plus
coupables.
Le règne d’Alain V offre peu d’intérêt,
du moins dans ses premières années, qui furent troublées par des
guerres, soit avec les comtes d’Anjou, soit avec les propres
vassaux du duché de Bretagne, dont l’un des plus puissants était le
comte de Cornouailles, appelé Alain Caignart.
Le duc Alain mourut empoisonné par les ordres
de son pupille Guillaume le Conquérant, laissant un fils appelé
Conan.
Après huit années d’un règne fort agité,
pendant lequel il prit tour à tour le titre de comte et de duc de
Bretagne, Conan II fut empoisonné par les ordres de l’assassin
de son père, Guillaume. Il mourut sans laisser d’héritiers.
Hoël V, comte de Cornouailles et de
Nantes, époux d’Avoïse, sœur de Conan II, ceignit la couronne
ducale du droit de sa femme. Il n’éprouva aucun obstacle à se faire
reconnaître.
Guillaume le Conquérant, n’ayant rien à
redouter de la Bretagne, dont le nouveau souverain ne songeait qu’à
se faire des amis, l’envoya prier de lui prêter son assistance pour
s’emparer de la couronne d’Angleterre. Hoël lui donna des
fantassins et des cavaliers commandés par la plus brillante
noblesse de Bretagne : son propre fils, Alain Fergent,
l’héritier présomptif de son duché, menait au combat de Hasting
l’une des trois divisions qui composaient l’armée de Guillaume. Le
Normand reconnut ses services en lui donnant des terres
considérables, et tous les seigneurs bretons qui s’étaient
distingués furent récompensés par la concession de grands fiefs,
dont le conquérant fit insérer les titres dans un livre ou
chartrier général, nommé le
Domesday Book.
Hoël V étant mort le 10 avril 1084, Alain
Fergent, l’aîné de ses enfants, lui succéda.
Suivant la coutume de ce temps, les voisins
d’Alain VI mirent son courage à l’épreuve, mais sans résultat
pour eux. Guillaume le Conquérant, admirant sa valeur, offrit son
amitié au duc de Bretagne, et lui proposa même la main de sa fille
Constance. Alain, honoré d’une si glorieuse alliance, n’eut garde
de refuser : la duchesse entra en Bretagne, aux acclamations
du peuple, qui regardait ce mariage comme un gage de paix et de
prospérité. Mais, après quatre années d’union, Constance mourut
sans enfants, suivant à peu de distance son redoutable père.
La fin du XI e siècle fut
signalée par des maux infinis, résultats des querelles insensées
qui s’élevaient entre les princes et qui accablaient les peuples.
Un tremblement de terre épouvanta tous les esprits, et leur enleva
l’énergie nécessaire pour remédier à l’excès de la misère publique.
On regarda la fin du monde comme prochaine ; ou se pressa de
toutes parts dans les églises ; on fit de riches donations aux
monastères. Les riches voulaient mourir en habit de religion, et
leurs femmes sous le voile des recluses. Beaucoup de cultivateurs
abandonnèrent les travaux de la campagne ; et, après un été
humide et orageux, le peu de semence que l’on avait confié à la
terre ayant manqué, une disette générale se déclara en France, en
Bretagne, en Angleterre et dans presque toute l’Europe. Les
couvents avaient de très-grandes provisions, qu’ils distribuèrent
avec générosité, ou qu’ils vendirent à bas prix ; mais ces
ressources une fois épuisées, les familles même les plus aisées se
virent livrées aux horreurs de la famine. Une maladie contagieuse
qui se déclara vint ajouter à ces causes de désespoir : il
fallait, comme
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