Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
partie, et Mauclerc chercha à se ménager un
troisième accommodement. La prise du château de Bellesme était un
coup décisif, et Blanche y acquit une grande réputation de
bravoure. La place passait alors pour imprenable, à cause de
l’épaisseur de ses murs, et surtout de la tour qui défendait le
fort. La saison était un autre obstacle ; on se trouvait au
cœur d’un hiver extrêmement rude ; la rigueur du froid faisait
périr les hommes et même les chevaux. Blanche cependant ne se
rebuta point. Elle était en personne au siège, marchait aux côtés
du roi son fils, animait le soldat, encourageait l’officier, et
leur remontrait quelle honte ce leur serait si, le roi à leur tête,
ils étaient réduits à lever le siège et à fuir devant un vassal
révolté. Pour mieux mettre l’armée à l’abri du froid, elle fit
couper une prodigieuse quantité d’arbres, fruitiers ou non, et on
alluma dans le camp du roi de si grands feux et en si grand nombre,
que le soldat n’eut plus à se plaindre. Deux assauts violents
furent donnés au corps de la place, et l’on brisa les toits du fort
avec deux pierriers qui lançaient une grêle de cailloux tellement
meurtrière, que les assiégés n’étaient en sûreté nulle part. La
grosse tour fut enfin abattue, et ses défenseurs se livrèrent au
roi et à la reine mère, à laquelle on peut à juste titre attribuer
tout l’honneur de ce siège.
Louis IX s’avança ensuite du côté de la
Bretagne, assiégea Ancenis, fit déclarer Mauclerc déchu de la
tutelle de son fils et de sa fille, et par conséquent de la garde
du comté de Bretagne, et dégagea les barons du duc du serment de
fidélité. Les Bretons promirent de recevoir dans leurs places les
troupes du roi, et de lui faire hommage de tout ce qu’ils tenaient
du duc, sauf le droit de Jean son fils et d’Yolande sa fille, quand
ils auraient atteint l’âge de vingt-un ans, pourvu qu’ils
rendissent au roi l’hommage qu’ils lui devaient. Le roi
d’Angleterre, ayant laissé en Bretagne quelques chevaliers anglais
et promis au duc de le secourir, repassa la mer. Bientôt après fut
conclue une trêve pour trois ans, entre le roi de France d’un côté,
le roi d’Angleterre et le duc de Bretagne de l’autre. À son
expiration, Henri III envoya en Bretagne vers la Saint-Jean,
soixante chevaliers et deux mille Gallois. Louis IX, de son
côté, s’avança avec trois corps d’armée et attaqua cette province
par trois endroits. Le duc épouvanté demanda une suspension d’armes
jusqu’à la Toussaint, promettant que si dans cet intervalle le roi
d’Angleterre ne venait le secourir en personne, il remettrait son
duché entre les mains du roi. La trêve accordée, Pierre laissa
trois places à Louis IX pour sûreté de sa parole, et se rendit
auprès de Henri III, pour solliciter des secours d’hommes et
d’argent. Mais Henri lui dit que ce n’était point lui qui avait
demandé la trêve, qu’il ne l’avait point ratifiée, que tout
l’argent d’Angleterre ne suffirait pas pour garder la
Bretagne ; enfin il lui fit entendre qu’il ne devait guère
compter sur son aide. Pierre, mécontent, alla trouver Louis IX
à Paris, pour faire la paix avec ce monarque.
Les Anglais, dans un honteux esprit de
vengeance, publièrent que Mauclerc s’était présenté, devant le roi
Louis et sa mère, la corde au cou ; qu’il s’était mis à deux
genoux devant le trône, demandant pardon de sa félonie, et que le
monarque, le traitant avec le plus grand mépris, lui avait
dit : « Mauvais traître, encore que tu ayes mérité une
mort infâme, cependant je te pardonne en considération de la
noblesse de ton sang ; mais je ne laisserai la Bretagne à ton
fils que pour sa vie seulement, et je veux qu’après sa mort les
rois de France soient maîtres de la terre. »
Louis IX permit à Mauclerc de jouir
encore une année du
bail
de la Bretagne, qui était près
d’expirer à cause de la majorité de son fils. Le duc assembla ses
états le jour même où Jean venait d’accomplir sa vingt-unième
année, et déclara solennellement devant les barons, les prélats et
les députés des villes, qu’il se démettait de son autorité entre
les mains de son légitime successeur. Il ne se qualifia désormais
que du nom de
Pierre de Braine, chevalier ;
cependant, par habitude ou par courtoisie, on lui conserva jusqu’à
sa mort le titre de comte de Bretagne.
Jean se rendit à Paris, où,
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