Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
d’autres
furent tués ; Amaury de Montfort fut pris avec plus de
soixante chevaliers de distinction, et conduit prisonnier à
Babylone. Le duc de Bourgogne prit la fuite avec le petit nombre de
ceux qui purent échapper. On prétend que les chevaliers du Temple
et ceux de Saint-Jean de Jérusalem auraient pu les secourir dans
cette occasion, et que saint Louis, désespéré de la perte
irréparable qu’avait éprouvée l’armée chrétienne, fit retirer de
leurs mains les sommes qu’il confiait chaque année à leurs soins
pour le soulagement, des chrétiens.
Tandis que Mauclerc s’illustrait en Syrie,
Jean I er , son fils, affermissait sa puissance en
abaissant l’autorité de ses barons. Vers 1241 mourut la sœur de
l’infortuné Arthur, Éléonore, héritière légitime de la Bretagne.
Depuis plus de quarante années, les rois d’Angleterre la retenaient
en prison et la faisaient garder à vue par des soldats.
Mauclerc se couvrit de gloire à la fameuse
bataille de Taillebourg, et dans la seconde croisade, dont le
mauvais succès résulta de ce qu’on n’avait pas voulu suivre le sage
conseil qu’il donnait, d’attaquer Alexandrie plutôt que
Damiette.
Le vaillant comte de Bretagne n’eut pas le
bonheur de revoir sa patrie : il mourut (1250) en mer, trois
semaines après son départ de la Terre-Sainte. Son corps fut apporté
en France, et Jean I er ordonna qu’on le conduisît
en grande pompe à sa dernière demeure, l’abbaye de
Saint-Yred-de-Braisne, à quatre lieues de Soissons.
Ce fut un prince d’un esprit supérieur, mais
trop infatué de sa puissance et de son habileté. Un ancien auteur
dit qu’il
surpassa de sens tous les barons de France.
On
lui reproche d’avoir eu un esprit trop inquiet, et d’avoir été
ingrat, de mauvaise foi, inconstant et d’une ambition
démesurée.
Jean I er s’était croisé en
même temps que son père ; mais, malgré les avis affectueux du
pape et les représentations des légats, il n’avait pas quitté son
duché. Revenu à des sentiments plus chrétiens, il résolut
d’entreprendre le voyage de Rome, afin de se faire absoudre de
l’excommunication qu’il avait encourue : le saint-père le
rétablit dans la communion des fidèles. Rentré dans ses États,
après avoir assisté à la troisième croisade, une des plus
désastreuses qu’on eût encore vues, Jean réforma les mœurs et
l’administration de la justice, abolit des coutumes anciennes que
ses conseillers lui signalèrent comme intolérables pour ses sujets,
et les réduisit à ce que prescrivaient la raison et l’équité. Il
châtia sévèrement les hommes nourris dans la licence des guerres,
accoutumés à vivre à leur fantaisie et sans aucun frein, à
tyranniser le peuple qui leur rendait haine pour haine, et souvent
se révoltait contre eux.
Le duc Jean mourut en 1286 : son épitaphe
dit qu’il était robuste et vigoureux, beau et bien fait, prudent,
et vainqueur de ses ennemis moins par la force de son bras que par
celle de son génie ; qu’il augmenta ses droits ; qu’il
maintint la religion ; qu’il fut le sévère vengeur du crime,
le protecteur des pauvres et du clergé, le pacificateur de sa
nation et le dompteur des superbes.
Le comte de Richemont, fils de
Jean I er , lui succéda sous le nom de
Jean II.
Loin d’avoir hérité de la rigidité de son
père, non-seulement le nouveau duc se montrait affable et gracieux
aux personnes de sa cour ou aux nobles à qui leur naissance
permettait de l’approcher, mais il étendait sa courtoisie sur les
gens du peuple, qui invoquaient sa justice ou sa bienfaisance. Le
nom de Jean II fut bientôt dans toutes les bouches, comme il
était déjà gravé dans tous les cœurs ; on espéra que le
bonheur public résulterait en peu d’années de la sagesse de son
administration.
Son premier soin fut de promulguer d’utiles
ordonnances. Deux ans après son couronnement, il convoqua les états
de Bretagne, et confirma à la noblesse et au peuple les privilèges
dont ils jouissaient. La paix, appuyée sur de sages réformes,
paraissait devoir durer longtemps en Bretagne, sous le gouvernement
d’un prince qui commençait si bien son règne, lorsqu’on le vit
embrasser tout à coup le parti du roi d’Angleterre, en qualité de
comte de Richemont.
Depuis deux ans, les marchands français et
anglais se poursuivaient à outrance sur les mers. Les marins de
Bayonne étaient venus, sans provocation, incendier la ville
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