Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
après avoir fait
preuve de son âge en présence du roi, il lui fit hommage de son
duché. Ensuite il retourna en Bretagne, fit son entrée solennelle à
Rennes, et reçut des mains de l’évêque, dans l’église cathédrale de
cette ville, la couronne, l’épée et la bannière (marques de la
dignité ducale), avec les serments et hommages des prélats et des
barons. Le nouveau duc leur promit de les maintenir dans leurs
franchises et libertés.
Jean I er avait été surnommé le
Roux, à cause de la couleur de sa chevelure ; mais bientôt on
l’appela Jean le Mauvais. Il fut cependant un peu plus modéré que
son père ; mais il ne se montra ni moins fier ni moins jaloux
de son autorité. Son énergie et des succès rapides dans les
premières guerres intestines qui inaugurèrent son règne, valurent
une longue paix à ses sujets.
Cependant la croisade était prêchée depuis
plusieurs années : le pape Grégoire IX rappela aux
croisés qu’il était temps d’effectuer leur départ pour la
Terre-Sainte, et nomma Pierre Mauclerc généralissime de l’armée
chrétienne, en lui remettant la disposition des trésors accumulés
dans ses mains par la charité des fidèles. Pierre passait pour le
premier capitaine du siècle ; il réunit à Lyon les chefs de
l’entreprise, et se disposait à mettre à la voile, quand le nonce
du pape ordonna aux croisés de rentrer dans leurs foyers.
« Or sachiez donc, beau-frère de
Cornouailles (écrivait Pierre à un de ses parents), qu’étant
réconfortés de bons gens d’armes, tous gaillards et dehait, ayant
blés, vins, avoines et autres pourvéances, et nostre voulenté
d’affronter à belle aventure les méchants Sarrazins, est venu à
grande erre un féal du saint apostole, et ses diacres couverts de
beaux ornements d’or. Les barons, chevaliers, escuyers
s’esbahissoient et tomboient à deux genouils, cuydant que ce fust
bénédictions pontificales. Ains le seigneur nonce, ainsin appelle
l’on, se prend à se signer d’un grand signe de croix, et nous tous,
de cœur, fismes à la pareille, tirant exemple sur luy et nous
confortant d’un tronson de patenostres ; puis s’en va
dire : – Monsieur le pape a dit : Les seigneurs croisés
sont gens de bien et vaillants. Ores, nouvelles certaines des
Sarrazinois me sont advenues que, tout à la malheure, l’ost des
mescréants est accrue et grandement doubtable (redoutable). Adonc,
au lieu d’eux assaillir follement, si fais commandement d’attendre
et soy retraire en ses châteaux, et le pourquoy, c’est que l’an qui
vient la trêve à nostre chier fils Frédéric sera forclose et
esteinte ; et ses chevaliers recueillis, serez en nombre
suffisance. – Ces lettres ouïes, n’eussiez vu sans étonnement,
beau-frère très-chier, les seigneurs croisés qui là estoient, se
pressant à rencontre monsieur le nonce, comme mouches à un pertuis
enmiellé, et l’auroient bientôt occis, n’eussent par belles paroles
agi les prélats et moy-même qui ne m’espargnay mie, et l’emmenay à
toute force. »
Les croisés, mécontents, se divisèrent :
quelques-uns revinrent dans leurs domaines ; d’autres
passèrent en Sicile, ou attendirent à Aigues-Mortes le printemps de
l’année suivante.
Pierre Mauclerc se croisa avec Thibauld, roi
de Navarre, Hugues, duc de Bourgogne, Henri, comte de Bar, et
plusieurs autres seigneurs, qui se rendirent tous à Ptoléimaïs au
commencement de 1240, et y élurent pour général de l’armée
chrétienne le roi de Navarre. Mauclerc se signala d’abord contre un
émir des Sarrasins, qu’il mit en fuite après un combat
opiniâtre : il lui enleva le convoi qu’il conduisait, et
revint au camp chargé d’un butin considérable. Le duc de Bourgogne,
le comte de Bar et Amaury de Montfort, piqués d’émulation,
voulurent aussi se distinguer par quelque expédition glorieuse.
Malgré la défense du général et contre l’avis de Pierre Mauclerc,
ils sortirent un soir du camp, suivis d’environ six cents
chevaliers. Après avoir chevauché toute la nuit, ils se trouvèrent
le matin à la vue de Gaza, dans un terrain sablonneux, où ils
marchaient avec peine. L’ennemi, à leur approche, sortit de la
ville et tomba sur eux : comme ils étaient extrêmement
fatigués, ils firent peu de résistance et ne se battirent qu’en
retraite. Le comte de Bar, Simon de Clermont, Jean des Barres,
Robert Mallet, Richard de Beaumont et un grand nombre
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