Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
du
Conquet, près de Brest ; un matelot normand avait été tué par
des Anglais soutenus des Rayonnais, et les Normands avaient pendu,
par vengeance, un marchand de Bayonne fait prisonnier sur un navire
anglais. Ces derniers réunirent quatre-vingts navires ; les
Normands, se voyant menacés, appelèrent les Français à leur aide,
et, après avoir ravagé les côtes de la Gascogne, se réfugièrent à
Saint-Mahé, petit bourg non loin de Brest. C’est là qu’eut lieu un
terrible combat naval, où périrent quinze mille hommes : les
Anglais furent vainqueurs.
Outré d’abord de la perte du Conquet,
Jean II s’adressa à Philippe le Bel pour qu’il le vengeât
d’Édouard, roi d’Angleterre ; puis, adroitement circonvenu par
Édouard, il s’allia à lui contre le roi de France. Le monarque
anglais abusa d’une manière cruelle de la confiance de son vassal,
en laissant ravager par ses soldats indisciplinés les côtes de
Bretagne. Trop tard éclairé, Jean II versa des larmes de
regret, et abandonna le parti de son perfide suzerain. Il se rendit
sur-le-champ à Paris, où Philippe le Bel, charmé de trouver un
pareil auxiliaire, l’accueillit avec honneur et lui témoigna une
chaleureuse amitié. Jean accompagna le roi de France en Flandre,
partagea ses dangers, et contribua à plus d’une victoire. Il lui
rendit surtout d’éclatants services au siège de Courtray. L’armée
bretonne était forte de dix mille hommes, et Jean II ne voulut
recevoir aucune indemnité du roi de France pour la solde ou
l’entretien de ses troupes. Philippe, qui cherchait à lui exprimer
sa reconnaissance, lui proposa de le nommer duc et pair de France.
Jean se mit à sourire, et lui dit : « Grand mercy à
vostre Altesse, c’est marque de courtoisie et tout vient à point de
vous. Toutes fois, je suis roy dans mon pays, et pour éloingné
qu’il soict, voicy beaulx gens d’armes qui bien en sçavent
parler ; avez veu comment ils se démeinent. – Oui, dit
Philippe, par le chief sainct Denis, ils sont drus et
vaillants ! Ores le faites pour moy, et ne sera chose qui vous
amène repentir. Mon cousin le duc de Bourgogne est haut et fier, si
treuve-t-il à trop grand honneur que soyez à ma droicte, et dit que
c’est à faire à luy qui est duc et pair de France. – Viègne le dit
duc dans mes États, continua Jean II, je luy baillerai ma
droicte, et sera honoré ; icy, tout près, est suspendu mon
écu, à belles hermines et sans briseure ; viègne, s’il ose, y
toucher ! – Nenni, nenni, fist le roy tout riant, les soudards
de Flandres en auroyent moult grand joye et crieroient Noël ;
avez son amitié et la mienne comme frères. Encore y a ma cour de
parlement, gens rogues et au regard courroucié, et de par Dieu, je
ne m’en feins à leur dire, toujours en leurs actes et grimoires
mettent-ils comte de Bretaigne, et affirment primauté n’appartenir
à comte. Ores ne vous en revient ne profict ne dommage ; mais
moy qui tant vous aime, seray-je point délivré de ces
tousseux ? Auriez-vous à mépris ma prière ? – Adonc soit
faict à votre voulenté. »
Les lettres de duc et pair de France ne
tardèrent pas à lui être expédiées : Jean les reçut avec
indifférence, et ne s’en servit jamais dans ses titres. Les
dernières guerres de Flandre n’attirèrent pas le duc de Bretagne,
qui permit cependant à ses barons de se joindre à l’armée de
Philippe le Bel. Il s’occupa de modifier les anciennes
constitutions relatives au maintien de l’ordre, à la distribution
de la justice et à l’assiette des impôts. Jean I er avait déjà mis des bornes à l’avidité des hommes de robe ; son
fils interpréta l’acte célèbre connu sous le nom d’
Assise du
comte Geoffroy,
et ses ordonnances s’intitulèrent
Constitutions de Jean II
Les principaux articles
avaient de grands rapports avec les
Établissements
de saint
Louis ; nous y remarquons surtout un point important :
c’est que tout individu se trouvant dans une ville, fréquentant la
taverne, ne gagnant rien et dépensant beaucoup sans avoir de
propriété, devait être repris de justice, afin que l’on connût ses
moyens d’existence.
Le duc, dont la santé commençait à décliner,
fit son testament ; puis, voulant terminer les différends qui
depuis longtemps divisaient le clergé et la noblesse de Bretagne,
il résolut d’aller trouver à Lyon le pape Clément V, qui
devait se faire sacrer en cette ville. La
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