Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
Vannes, où il prit ses
quartiers d’hiver, la saison étant très-avancée. Hennebon,
Quimperlé et Quimper ne voulurent jamais se rendre, et il fallut
que les soldats anglais se contentassent d’habiter les villages
voisins, où ils souffrirent beaucoup des rigueurs de l’hiver,
attaqués de plus en toute occasion par les paysans armés, qui
n’épargnaient aucun homme isolé, et n’osant s’aventurer, même en
grand nombre, pour aller au fourrage ou pour se procurer les objets
les plus nécessaires à leur subsistance.
La plupart des barons de Bretagne pressaient
Montfort de se réconcilier avec le roi de France et de se soumettre
à ses volontés, lui promettant leurs bons offices pour obtenir de
Charles VI des conditions honorables. Le duc goûta leur avis
et promit de le suivre d’autant plus volontiers qu’il n’avait
encore eu aucun sujet particulier de se plaindre du jeune roi, et
qu’il avait tout lieu de craindre, dans la disposition où étaient
les esprits des Bretons, de se voir encore contraint à se réfugier
en Angleterre. Il envoya donc au roi le sire de Laval, Charles de
Dinan, Gui de Rochefort et deux chevaliers de distinction. On
s’entendit si bien de part et d’autre, et si promptement, que, le
15 janvier 1381, un projet de traité fut rédigé et approuvé, et
qu’il ne resta plus qu’à obtenir la signature de Jean IV. Le
duc, tout en reconnaissant la nécessité d’accepter un traité avec
Charles VI, ne le signa qu’à grand’peine, fort embarrassé des
excuses qu’il serait forcé de faire à Buckingham. Il se rendit
cependant à Guérande, et là, en présence de quelques évêques et des
premiers barons de Bretagne, il en jura l’observation sur les
reliques. La paix fut ensuite proclamée à son de trompe :
c’était le 4 avril 1381. Une proclamation enjoignit au clergé
breton, à la noblesse et aux habitants des bonnes villes de
ratifier par écrit les dispositions du traité. On le fit partout
avec empressement, et la veuve de Charles de Blois y apposa sa
signature.
Lorsque les Anglais apprirent que le duc avait
traité avec le roi de France sans les prévenir ni les consulter, et
qu’il s’était même ligué avec lui pour leur faire la guerre, ils en
furent également surpris et consternés. Montfort, pressé d’obtenir
le départ des Anglais, alla trouver Buckingham à Vannes. Celui-ci
lui témoigna son indignation et l’accabla de reproches amers :
il s’embarqua le même jour pour retourner en Angleterre, et
persévéra dans son refus de voir le duc de Bretagne, qui voulait
encore protester de son amour pour les Anglais et de sa
reconnaissance.
Le roi d’Angleterre, pour se venger de
Jean IV, retint dans ses États la duchesse de Bretagne, et fit
saisir les revenus de son comté de Richemont. Tel fut le résultat
d’une expédition guerrière entreprise à grands frais, et qui
traversa les plus belles provinces de la France, qu’elle traita en
pays conquis.
Olivier de Clisson, qui avait succédé à Du
Guesclin dans la charge de connétable de France, voyant le duc
brouillé avec les Anglais qu’il haïssait mortellement, devait
naturellement se réconcilier avec lui. Ils se donnèrent
réciproquement des lettres d’alliance, et jurèrent sur les
Évangiles et par la foi de leurs corps, comme loyaux chevaliers, le
connétable d’être
bon, vrai et loyal
allié du duc de
Bretagne, de lui aider à garder et à défendre sa personne et son
duché contre tous, excepté contre le roi, ses successeurs et
monsieur le duc d’Anjou. Le duc promit, de son côté, d’être
bon
et loyal seigneur, allié et bienveillant
du connétable, et
d’être avec lui
à la garde de sa personne et de ses biens
contre tous, excepté le roi de France, le duc d’Anjou et le comte
de Flandre. Il est à remarquer que, dans cet acte, Clisson ne se
qualifie point
sujet
du duc, mais seulement son
allié.
Ces préliminaires accomplis, le duc de Bretagne
songea aux préparatifs du voyage qu’il avait à faire en France,
afin de rendre au roi l’hommage qu’il lui devait. Il assembla ses
états, leur demanda un subside qu’il obtint, et se mit en marche
vers Paris avec une suite brillante. De Paris, où le duc fut reçu
avec honneur, il se rendit à Compiègne, où résidait à cette époque
le jeune Charles VI. Le 27 septembre 1381, jour marqué pour la
cérémonie, le duc, suivi de ses barons et chevaliers, se présenta
devant le roi assis sur son trône et
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