Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
que nous l’avons fait, nous vous supplions
que vous plaise de nous pardonner et nous impartir votre grâce et
miséricorde, et vous en crions mercy. »
Il était difficile de montrer plus
d’indulgence ; et la moindre soumission eût engagé Jean V
à se désister de ce que la démarche en elle – même entraînait de
déshonneur sur la maison de Penthièvre. Olivier souscrivit au
traité qui en fut dressé ; mais Marguerite de Clisson, qui
jamais n’avait rien pardonné, ne pouvait se persuader qu’il existât
quelque magnanimité dans un autre cœur. Son crime lui semblait si
énorme, qu’elle ne songeait qu’à recevoir la mort, comme elle l’eût
infligée avec tant de satisfaction. Aucun des Penthièvre ne se
présenta, et le malheureux Guillaume, le moins coupable des quatre
frères, garant d’une parole qui ne fut pas tenue par sa famille,
languit pendant vingt-cinq ans dans les prisons de Nantes, de
Vannes, de Brest et d’Auray, et versa tant de larmes parmi ses
longs ennuis, qu’il en perdit la vue.
Aucun des Penthièvre n’ayant comparu dans les
délais accordés par les états, le parlement s’assembla une seconde
fois, les déclara, eux et leur mère, atteints et convaincus de
félonie, de trahison et de lèse-majesté, déchus de fief et de foi,
les condamna à la peine capitale, à la privation perpétuelle des
noms et armes de Bretagne, comme infâmes et déloyaux, confisqua
leurs héritages et leurs biens meubles, et intima l’ordre à tous
les sujets du duc de les appréhender au corps, si le cas y échéait.
On abattit et l’on rasa les fortifications de Lamballe, de
Guingamp, de la Roche-Derrien, de Jugon, de Châtelaudren, de Broon,
d’Avaugour, et d’un grand nombre d’autres places qui leur avaient
appartenu. Une armée, qui fut envoyée en Poitou pour s’emparer de
leurs châteaux, prit ceux de Sainte-Hermine, de Paluau, du Coudray,
des Essarts, etc., dont le duc de Bretagne fit des présents à ses
amis. Les terres immenses de la maison de Penthièvre, tombée pour
ne plus se relever, servirent à récompenser les seigneurs qui
avaient combattu pour Jean V.
On n’en voulait pas moins à la personne qu’aux
biens d’Olivier de Penthièvre, l’aîné et le plus méchant des trois
frères ; aussi envoya-t-on partout des espions pour découvrir
le lieu de sa retraite. Mais les Penthièvre, qui avaient aussi
leurs émissaires dans la Bretagne, méditaient un projet plus noir
encore que celui qu’ils avaient eu l’audace d’entreprendre. Ayant
su que le duc devait se rendre à un jour fixé à l’abbaye de
Beauport, Jean de Penthièvre résolut de l’y faire périr. Il
assembla en Poitou, où sa mère et ses frères s’étaient retirés,
environ quarante gentilshommes, vêtus de robes longues, armés,
par-dessous ce vêtement, de cuirasses, d’épées et de poignards. Par
bonheur pour Jean V, il ne vint point à Beauport, et les
conjurés manquèrent leur coup. Ce complot fut dans la suite
découvert, par la déposition de quelques-uns des complices qui
furent pris.
Les seigneurs confédérés poursuivirent avec
acharnement Olivier de Penthièvre. Abandonné de tous ses amis, ne
se croyant nulle part en sûreté, il se retira successivement à
Limoges, puis à Lyon, à Genève et à Bâle. Au moment d’atteindre sa
terre d’Avesnes en Flandre, il fut fait prisonnier par le marquis
de Bade, qui allait le livrer aux Bretons pour vingt-cinq mille
écus d’or, lorsque, séduit par les trente mille que le duc de
Bourgogne et le roi d’Angleterre lui offraient pour son rachat, il
sauva, sans le vouloir, la vie au malheureux Olivier. Olivier
recouvra donc la liberté, et s’enferma dans sa ville d’Avesnes,
dont il n’osa plus sortir. Des chevaliers d’un grand nom, envoyés
par les confédérés pour se saisir de sa personne et le ramener en
Bretagne, employèrent sans succès divers stratagèmes.
Remonté sur le trône, Jean V s’occupait
infatigablement de régler dans ses États l’exercice de la justice,
d’en corriger les abus et de maintenir l’ordre parmi ses sujets, en
publiant des constitutions coutumières et des ordonnances
administratives. Le commerce et ses usages attirèrent spécialement
l’attention du conseil que présidait le duc. On se plaignait de la
diversité des poids et des mesures ; il ordonna qu’on ne se
servirait désormais en Bretagne que d’une seule aune pour les draps
et les toiles, d’une seule mesure de
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