Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
imprenable. Les chefs de l’armée
bretonne, en apprenant que Jean V en avait été enlevé,
songèrent d’abord à tourner la place et à poursuivre Olivier de
repaire en repaire ; mais ils réfléchirent que Marguerite de
Clisson et l’un de ses fils s’y étaient renfermés, et qu’en les
prenant ils se donneraient un moyen d’échange. On résolut donc de
ne pas quitter la place qu’on ne l’eût emportée. La vieille
comtesse Marguerite de Clisson se signala également par son courage
et par sa cruauté. Elle fit mettre les chevaliers Pierre Éder et
Jean de Kermellec, ses prisonniers, dans la tour la plus exposée
aux batteries, afin de les y faire périr par la main même de ceux
qui venaient pour les délivrer. Si le duc eût été dans le château,
il est à croire qu’elle en eût usé de la même manière à son égard.
Par une faveur du Ciel, les deux chevaliers ne périrent point, ils
ne furent pas même blessés.
Le comte de Penthièvre envoya au secours de la
place son frère Jean, à la tête d’une armée assez nombreuse,
presque toute composée de Français. Ce général attaqua les
barrières du camp les plus éloignées ; mais il fut repoussé
vigoureusement par les Bretons, et perdit beaucoup de monde à cette
attaque. Les assiégés, se voyant sans aucune espérance de secours
entre les murailles du château déjà fort ébranlées, commencèrent à
craindre d’être forcés. La comtesse, jugeant que, si cela arrivait,
on ne ferait grâce à personne, prit la résolution de capituler avec
les seigneurs, dont la plupart étaient ses parents. Les conditions
du traité furent qu’elle rendrait la place et le duc, et qu’elle
ferait réparation à ce prince de la manière qu’ils le
régleraient ; qu’elle pourrait sortir du château avec sa
famille, ses domestiques et la garnison, et se retirer où elle
voudrait. En attendant l’exécution du traité, on lui accorda une
suspension d’armes, afin qu’elle pût l’envoyer au comte son fils.
Elle le fit, et le conjura en même temps, s’il voulait lui
conserver la vie, d’approuver le traité et de l’exécuter en rendant
le duc de Bretagne. Le comte, humilié par ses revers et déchu de
ses rêves orgueilleux, consentit aux articles de la capitulation.
Le parti de Jean V devenait chaque jour plus puissant ;
on était d’ailleurs informé qu’un grand renfort de Gascons était en
marche pour venir le délivrer. Il le remit donc entre les mains de
son frère, Jean de Penthièvre ; celui-ci, après s’être fait
donner un sauf-conduit par son prisonnier même, le mena au camp des
assiégeants et le rendit aux barons, qui le reçurent avec une joie
extrême. Alors la comtesse, ses enfants, ses domestiques et la
garnison sortirent du château, qui fut rasé sur-le-champ par ordre
du duc de Bretagne. Jean V s’en alla ensuite à Nantes, où par
toutes sortes de bienfaits il chercha à reconnaître la fidélité des
seigneurs qui l’avaient si bien servi. Les terres de la maison de
Penthièvre, ayant dans la suite été confisquées, fournirent à ce
prince de quoi faire d’autres libéralités encore plus
considérables. Il fut question ensuite de la réparation de
l’attentat commis par les Penthièvre. La bonté naturelle du duc et
les sollicitations de leurs parents et de leurs amis firent qu’on
se contenta d’exiger qu’Olivier, comte de Penthièvre, et son frère
Charles, qui étaient les plus coupables, parce que c’étaient eux
qui avaient abusé de la confiance du duc et l’avaient arrêté,
comparussent devant l’assemblée des états à Vannes, pour y dire
publiquement à Jean V, en présence des prélats, des barons,
des seigneurs et de tous les députés du tiers-état : Notre
très-redouté et souverain seigneur, par mauvais conseil et par
jeunesse, nous vous avons pris, mis les mains en vous et en
monseigneur Richard, votre frère, et longuement détenus, contre vos
volontés, follement et mal conseillés, dont nous déplaist et sommes
repentants, et vous en crions mercy, en vous suppliant qu’il vous
plaise de nous pardonner et nous impartir (accorder) vostre grâce
et miséricorde. » Marguerite de Clisson et ses deux autres
fils, Jean et Guillaume, devaient également se présenter, mais
seulement par procureur, et dire : Nous avons aucunement porté
et soutenu la prise et détention de votre personne et de
monseigneur votre frère, de quoi nous déplaist et sommes
repentants. Mais autant
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