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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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l’armée, par sa valeur et avec le
secours de la fortune, un poste dans lequel un seul crime le mettrait en état
d’arracher le sceptre du monde à un maître faible et détesté. Après le meurtre
d’Alexandre Sévère et l’élévation de Maximin, aucun empereur ne dut se croire
en sûreté. Un paysan, un Barbare pouvait aspirer à cette dignité auguste et en
même temps si dangereuse.
    Trente-deux ans environ avant cette époque, l’empereur
Sévère, à son retour d’une expédition en Asie, s’arrêta dans la Thrace pour
célébrer, par des jeux militaires, le jour de la naissance de Geta, le plus
jeune de ses fils. Les habitants du pays s’étaient assemblés en foule pour
contempler leur souverain. Un jeune Barbare, de taille gigantesque, sollicita
vivement, dans son langage grossier, la permission de disputer le prix de la
lutte. Comme l’orgueil des troupes aurait été humilié si un simple paysan de la
Thrace eût terrassé un soldat romain, on mit d’abord le Barbare aux prises avec
les plus forts valets du camp. Seize d’entre eux tombèrent successivement sous
ses coups : il obtint pour récompense quelques petits présents, et la liberté
de s’enrôler dans les troupes. Le jour suivant on le vit au milieu des
nouvelles recrues, dansant et célébrant sa victoire selon l’usage de son pays.
Dès qu’il s’aperçut qu’il s’était attiré l’attention de Sévère, il s’approcha
du cheval de ce prince et le suivit à pied dans une course longue et rapide,
sans paraître fatigué. Jeune homme , dit l’empereur étonné, es-tu
maintenant disposé à lutter ? — Très volontiers , répondit le Barbare
; et aussitôt il terrassa sept des plus forts soldats de l’armée. Un collier
d’or fut le prix de sa vigueur et de son activité incroyables, et on le fit
entrer immédiatement dans les gardes à cheval qui accompagnaient toujours la
personne du souverain [574] .
    Maximin, tel était son nom, quoique né sur le territoire de
l’empire, descendait d’une race de Barbares. Son père était Goth, et sa mère de
la nation des Alains. Leur fils déploya toujours une valeur égale à sa force,
et bientôt l’usage du monde doucit, ou plutôt déguisa sa férocité naturelle.
Sous le règne de Sévère et de Caracalla, il obtint le grade de centurion, et il
gagna l’estime de ces deux princes, dont le premier se connaissait si bien en mérite.
La reconnaissance défendit à Maximin de servir sous l’assassin de Caracalla, et
l’honneur ne lui permit pas de s’exposer aux outrages du lâche Élagabal. Il
reparut à la cour à l’avènement d’Alexandre, qui lui confia un poste utile et,
honorable. La quatrième légion, dont il fut nommé tribun, devint bientôt, sous
ses ordres, la mieux disciplinée de l’armée. Il passa successivement par tous
les grades militaires [575] ,
avec l’applaudissement général des soldats, qui se plaisaient à donner à leur
héros favori les noms d’Ajax et d’Hercule ; et s’il n’eût point conservé dans
ses manières une teinte trop forte de son origine sauvage, peut-être l’empereur
aurait-il accorder sa sœur en mariage au fils d’un paysan de la Thrace [576] .
    Ces faveurs, loin d’inspirer à Maximin la fidélité, qu’il
devait à un maître bienfaisant, ne servirent qu’à enflammer son ambition. Il ne
croyait pas sa fortune proportionnée à son mérite, tant qu’il serait obligé de
reconnaître un supérieur. Quoique la sagesse ne le guidât jamais, il n’était
pas dépourvu sur ses intérêts, d’une sorte d’adresse qui lui fit découvrir le
mécontentement de l’armée, et qui lui donna les moyens d’en profiter pour
s’élever sur les ruines de l’empereur. ll est aisé à la faction et à la
calomnie de lancer des traits empoisonnés sur la conduite des meilleurs
princes, et de défigurer même leurs vertus, en les confondant avec leurs
défauts, auxquels elles tiennent de si près. Les troupes écoutèrent avec
plaisir les émissaires de Maximin, et elles rougirent de leur patience, qui,
depuis treize ans, les retenait honteusement dans les liens d’une discipline
pénible, établie par un Syrien efféminé qui rampait lâchement aux pieds de sa
mère et du sénat. "Il est temps, s’écriaient-elles, d’abattre ce vain
fantôme de l’autorité civile, et de choisir pour prince et pour général un
véritable soldat nourri dans les camps, accoutumé aux fatigues de la guerre,
capable, en un mot, de

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