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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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meilleurs
princes aient toujours conservé la méthode dangereuse de réunir dans les mains
d’une même régie les principales branches du revenu, ou du moins les douanes et
les impôts sur les consommations [567] .           
    Les sentiments de Caracalla n’étaient pas les mêmes que ceux
des Antonins, et ce prince se trouvait réellement dans une position très
différente. Nullement occupé, ou plutôt ennemi du bien public, il ne pouvait se
dispenser d’assouvir l’avidité insatiable qu’il avait lui-même allumée dans le
cœur des soldats. De tous les impôts établis par Auguste, il n’en existait pas
de plus étendu, et dont le produit fût plus considérable, que le vingtième sur
les legs et sur les héritages. Comme cette taxe n’était pas particulière aux
habitants de Rome ni à ceux de l’Italie, elle augmentait continuellement avec
l’extension graduelle du droit de bourgeoisie.
    Les nouveaux citoyens, quoique soumis également aux nouveaux
impôts, dont ils avaient été exempts comme sujets [568] , se croyaient
amplement dédommagés par le rang et par les privilèges qu’ils obtenaient, et
par une perspective brillante d’honneurs et de fortune qui se présentait tout à
coup à leur ambition. Mais toute distinction fut détruite par l’édit du fils de
Sévère. Loin d’être une faveur, le vain titre de citoyen devint une charge
réelle, imposée aux habitants des provinces. L’avide Caracalla ne se contentai
pas des taxes qui avaient paru suffisantes à ses prédécesseurs, il ajouta un
vingtième à celui qu’on levait déjà sur les legs et sur les héritages. Après,
sa mort on rétablit l’ancienne proportion ; mais, pendant son règne [569] , toutes les
parties de l’empire gémirent sous le poids de son sceptre de fer [570] .
    Les habitants des provinces une fois soumis aux impositions
particulières des citoyens romains, semblaient devoir légitimement être exempts
des tributs qu’ils avaient d’abord payés en qualité de sujets. Caracalla et son
prétendu fils n’adoptèrent pas de pareilles maximes, ils ordonnèrent que les
taxes, tant anciennes que nouvelles, seraient levées à la fois dans tous  leurs
domaines. Il était réservé au vertueux Alexandre de délivrer les provinces de
cette oppression criante. Ce prince réduisit les tributs à la trentième partie
de la somme qu’ils produisaient à son avènement [571] . Nous ignorons
par quels motifs il laissa subsister de si faibles restes du mal public. Ces
rameaux nuisibles, qui n’avaient point été tout à fait  arrachés, jetèrent de
nouvelles racines, s’élevèrent à une hauteur prodigieuse, et dans le siècle
suivant répandirent une ombre mortelle sur l’univers romain. Il sera souvent
question, dans le cours de cette histoire, de l’impôt foncier, de la capitation
et des            contributions onéreuses de blé, de vin, d’huile et d’animaux,
que l’on exigeait des provinces pour l’usage de la cour, de l’armée et de la
capitale.      
    Tant que Rome et l’Italie furent regardées comme le centre
du gouvernement, les anciens citoyens conservent un esprit national que les
nouveaux adoptèrent insensiblement. Les principaux commandements de l’armée
étaient donnés à des hommes qui avaient reçu de l’éducation, qui connaissaient
les avantages des lois et des lettres, et qui avaient marché à pas égaux dans
la carrière des honneurs, en passant par tous les grades civils et militaires [572] . C’est
principalement à leur influence et à leur exemple que nous devons attribuer
l’obéissance et la modestie des légions durant les deux premiers siècles de
l’empire.
    Mais lorsque Caracalla eut foulé aux pieds le dernier
rempart de la constitution romaine, à la distinction des rangs succéda par
degrés la séparation des états. Les habitants des provinces intérieures, où
l’éducation était plus cultivée, furent les seuls propres à être employés comme
jurisconsultes, et à remplir les fonctions de la magistrature. La profession
plus dure des armes devint le partage des paysans et des Barbares nés sur les
frontières, et qui, connaissant d’autre patrie que leur camp, ni d’autre
science que celle de la guerre, méprisaient ouvertement les lois civiles, et se
soumettaient à peine à la discipline militaire. Avec des mains ensanglantées,
des mœurs sauvages et des dispositions féroces, ils défendirent quelquefois le
trône

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