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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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partagé presque également par le Borysthène, qui reçoit des deux côtés
les eaux de plusieurs rivières navigables. Cette vaste contrée renfermait en
quelques endroits des bois immenses de chênes antiques et très élevés.
L’abondance du gibier et du poisson, les ruches innombrables que l’on trouvait
dans les cavités des rocs ou dans le creux des vieux arbres, et qui, même en
ces temps grossiers, formaient une branche considérable du commerce, la beauté
du bétail, la température de l’air, un sol propice à toute espèce de grains, la
richesse de la végétation, tout attestait la libéralité de la nature, et
invitait l’industrie de l’homme [797] .
Les Goths dédaignèrent ces avantages : une vie de paresse, de pauvreté et de
rapine, leur parut toujours préférable.
    Les hordes des Scythes, qui bordaient leurs nouveaux
établissements, du côté de l’Orient, ne leur offraient que le hasard incertain
d’une victoire inutile : l’aspect brillant des campagnes romaines avait bien
plus d’attraits pour eux. Les champs de la Dacie, cultivés par des habitants
industrieux, pouvaient être moissonnés par un peuple guerrier. Les successeurs
de Trajan consultèrent moins les véritables intérêts de l’État que de fausses
idées de grandeur, lorsqu’ils conservèrent les conquêtes de ce prince au-delà
du Danube. Il est probable que leur politique affaiblit l’empire du côté de ce
fleuve. La Dacie, province nouvelle et à peine soumise, n’était ni assez forte
pour résister aux Barbares, ni assez opulente pour assouvir leur cupidité. Tant
que les rives éloignées du Niester servirent de bornes à l’empire, les
fortifications du bas Danube furent gardées avec moins de précautions :
ensevelis dans une fatale sécurité, les habitants de la Mœsie se persuadèrent
qu’une distance trop vaste pour être franchie les mettait à l’abri de tout
danger de la part des Barbares. L’irruption des Goths, sous le règne de
Philippe, les tira de leur funeste erreur. Le roi ou chef de cette fière nation
traversa avec mépris la province de la Dacie, et passa le Niester et le Danube,
sans rencontrer aucun obstacle. Les troupes romaines ne connaissaient déjà plus
de discipline ; elles livrèrent à l’ennemi les postes importants qui leur
avaient été confiés et la crainte d’un juste châtiment en fit passer un grand
nombre sous lés étendards  des Goths. Tous ces Barbares parurent enfin devant
Marcianopolis [798] ,
ville bâtie par Trajan en l’honneur de sa sœur, et qui servait alors de
capitale à la seconde Mœsie [799] .
Les habitants se crurent trop heureux de racheter à prix d’argent leurs biens
et leurs personnes ; et les conquérants retournèrent dans leurs déserts, plutôt
encouragés que satisfaits par ce premier succès de leurs armes contre un État
faible, mais opulent. Dèce fut bientôt informé que Cniva, roi des Goths, avait
passé une seconde fois le Danube avec des troupes plus nombreuses ; que
ses détachements répandaient de tous côtés la désolation en Mœsie ; et que
le principal corps d’armée composé de soixante-dix mille Germains et Sarmates
pouvait se porter aux entreprises les plus audacieuses. Une invasion si formidable
exigeait la présence du monarque, et le développement de toutes ses forces.
    Dèce trouva les Goths occupés au siège de Nicopolis [en
250] , sur le Jatrus, un de ces monuments qui devaient perpétuer le souvenir
des exploits de Trajan [800] .
A son approche ils se retirèrent ; mais avec le projet de voler à une conquête
plus importante, et d’attaquer Philippopolis [801] ,
ville de Thrace bâtie par le père d’Alexandre, presque au pied du Mont Hémus [802] . L’empereur les
suivit par des marches forcée dans un pays difficile ; mais lorsqu’il se
croyait encore à une distance considérable de leur arrière garde, Cniva se
tourna contre lui avec une violente impétuosité. Le camp des Romains fut
pillé ; et, pour la première fois, leur souverain prit la fuite devant une
troupe de Barbares à peine armés. Après, une grande résistance Philippopolis,
privée de secours, fût emportée d’assaut. On assure que cent mille personnes
perdirent la vie dans le sac de cette ville [Ammien, 31, 5] .
    Plusieurs prisonniers de marque ajoutèrent à l’importance du
butin, et Priscus, frère du dernier empereur Philippe, ne rougit point de
prendre la pourpre, sous la protection des plus cruels, ennemis de Rome

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