Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
ville, la plus considérable de celles des Goths et
des Suédois. L’or enlevé par les Scandinaves, dans leurs expéditions maritimes,
en faisait le principal ornement ; et la superstition y avait consacré, sous
des formes grossières, les trois principales divinités, le dieu de la guerre,
la déesse de la génération et le dieu du tonnerre. Dans la fête générale que
l’on célébrait chaque neuvième année, deux animaux de toute espèce, sans en
excepter l’espèce humaine, étaient immolés avec la plus grande cérémonie, et
leurs corps ensanglantés suspendus dans le bois sacré qui tenait au temple [780] . Les seules
traces qui subsistent maintenant de ce culte barbare sont contenues dans
l’Edda, système de mythologie compilé en Islande vers le treizième siècle, et
que les savants de Suède et de Danemark ont étudié comme le geste le plus
précieux de leurs anciennes traditions.
Malgré l’obscurité mystérieuse de l’Edda, il est facile de
distinguer deux personnages confondus sous le nom d’Odin le dieu de la guerre
et le grand législateur de la Scandinavie. Celui-ci est le Mahomet du Nord ; ce
fut lui qui institua une religion adaptée au climat et au peuple. De nombreuses
tribus, sur les deux rives de la Baltique, furent subjuguées par la valeur
invincible d’Odin, par son éloquence persuasive et par sa réputation d’habile
magicien. Pendant le cours d’une vie longue et heureuse, il ne s’était occupé
qu’à propager sa religion : il y mit le sceau par une mort volontaire.
Redoutant les approches ignominieuses des maladies et des infirmités, il
résolut d’expirer comme il convenait à un guerrier. Dans une assemblée solennelle
des Suédois et des Goths, il se fit neuf blessures mortelles. Je cours ,
disait-il en rendant le dernier soupir, préparer le festin des héros dans le
palais du dieu de la guerre [781] .
Le lieu de la naissance d’Odin et de sa résidence habituelle
est désigné sous le nom d’ As-gard . L’heureuse conformité de ce nom avec As-bourg ou As-of [782] ,
mots dont la signification est la même, sert de base à un système historique si
ingénieux, que nous souhaiterions qu’il fût vrai [783] . On suppose
qu’Odin était le chef d’une tribu de Barbares qui habitèrent les bords des
Palus-Méotides, jusqu’à ce que la chute de Mithridate et les armes victorieuses
de Pompée fissent trembler le Nord pour sa liberté. Odin, trop faible pour
résister à un pouvoir si formidable, ne céda qu’en frémissant : forcé de
quitter son pays natal, il conduisit sa tribu depuis les frontières de la
Sarmatie asiatique jusqu’en Suède, avec le projet véritablement grand de
former, dans des retraites inaccessibles à la servitude, une religion et un
peuple qui pussent servir un jour sa vengeance immortelle, lorsque ses
invincibles Goths, animés par l’enthousiasme de la gloire, sortiraient en
nombreux essaims des environs du pôle pour châtier les oppresseurs du genre
humain [784] .
Quand même tant de générations successives du peuple goth
auraient été capables de conserver quelques faibles traces de leur origine des
Scandinaves, ce n’est pas à des Barbares sans lettres que nous pourrions
demander un détail exact des temps et des circonstances de leurs migrations. Le
passage de la Baltique était une entreprise facile et naturelle. Les habitants
de la Suède avaient un nombre suffisant de vaisseaux à rames [Tacite, Germ. ,
44] ; et depuis Carlscroon jusqu’aux ports les plus voisins de la
Prusse et de la Poméranie, la distance n’est que d’environ cent milles. Ici
enfin nous marchons à la lueur de l’histoire sur un terrain solide. Du moins,
en remontant jusqu’à l’ère chrétienne [785] ,
au plus tard jusqu’au siècle des Antonins [Ptolémée, II] , nous voyons
les Goths établis à l’embouchure de la Vistule, et dans cette fertile province
où longtemps après furent bâties les villes commerçantes de Thorn, d’Elbing, de
Königsberg et de Dantzig [786] .
A l’occident de ces contrées, les nombreuses tribus des Vandales se répandirent
le long des rives de l’Oder, et des côtes maritimes du Mecklembourg et de la
Poméranie. Une ressemblance frappante de mœurs, de traits, de religion, et de
langage, semble indiquer que les Vandales et les Goths étaient originairement
une grande et même nation [787] .
Ceux-ci paraissent avoir, été subdivisés en Ostrogoths, Visigoths et Gépides [788] . La
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