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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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de vaincre, refusa l’argent avec dédain ;
il retint même les députés, et, s’avançant en ordre de bataille jusqu’au pied
du rempart des Romains, il insista pour avoir une conférence personnelle avec
leur monarque. Valérien fut réduit à la nécessité de commettre sa dignité et sa
vie à la foi du vainqueur. L’entrevue se termina comme on devait naturellement
s’y attendre : l’empereur fut mis aux fers, et les troupes consternées,
déposèrent leurs armes [889] .
Dans ce moment de triomphe, l’orgueil et la politique engagèrent Sapor à placer
sur le trône vacant de Rome un souverain dont il pût entièrement disposer. Un
obscur fugitif d’Antioche, Cyriades, livré à toutes sortes de vices, fut choisi
pour déshonorer la pourpre romaine. Les troupes captives obéirent aux ordres du
superbe Persan, et ratifièrent, par des acclamations forcées, l’élection de
leur indigne souverain [890] .
    L’esclave couronné s’empressa de gagner la faveur de son
maître, en trahissant son pays natal. Il conduisit Sapor à la capitale de
l’Orient : les Perses traversèrent l’Euphrate, prirent le chemin de Chalcis, et
leur cavalerie se porta vers Antioche avec une telle rapidité, que, si nous en
croyons un historien très judicieux [891] ,
cette ville fut surprise au moment où la multitude oisive assistait aux jeux du
cirque. Les magnifiques édifices d’Antioche, monuments publics et maisons
particulières, furent pillés ou détruits, et ses nombreux habitants mis à mort
ou menés en captivité [Zozime, I] . La fermeté du grand-prêtre d’Émèse
arrêta pour un instant l’impétuosité de ce torrent qui désolait toutes les
provinces de l’Asie.  Revêtu de ses habits sacerdotaux, et suivi d’une troupe
considérable de paysans fanatiques, armés seulement de frondes, il sauva son
dieu et ses domaines des mains sacrilèges des disciples de Zoroastre [892] : mais la
destruction de Tarse et de plusieurs autres villes prouve qu’excepté, dans
cette seule circonstance, la conquête de la Syrie et celle de la Cilicie
coûtèrent à peine à l’armée des Perses quelques instants de  retard. Les
Romains renoncèrent aux avantages que leur offraient les défilés du mont Taurus
contre un ennemi dont la principale force consistait en cavalerie, et qui
aurait eu à soutenir un combat très inégal dans les gorges étroites des
montagnes. Sapor, ne trouvant aucune résistance, forma le siége de Césarée,
capitale de la Cappadoce. Quoique du second rang, cette ville pouvait contenir
quatre cent mille âmes : Démosthène y commandait, moins par le choix de
l’empereur que par le mouvement qui l’avait porté à s’offrir volontairement
pour la défense de sa patrie : il suspendit pendant longtemps la ruine de
la place ; enfin, lorsque Césarée eut succombé par la perfidie d’un médecin,
Démosthène se fit jour, au milieu des Perses, qui avaient ordre de ne rien
négliger pour s’emparer de sa personne. Tandis qu’il échappait à un ennemi qui
aurait pu honorer ou punir sa valeur opiniâtre, plusieurs milliers de ses
concitoyens furent enveloppés dans un massacre général. Sapor est accusé
d’avoir exercé envers ses prisonniers des cruautés inouïes [893] . Ces imputations
ont sans doute été dictées, en grande partie, par l’animosité nationale : ce
sont les derniers cris de l’orgueil humilié et de la vengeance impuissante.
Cependant, il faut l’avouer, le même prince qui avait déployé en Arménie la
bienfaisance d’un législateur, ne se montra aux Romains qu’avec la férocité
d’un conquérant. Il désespérait de pouvoir former aucun établissement permanent
dans l’empire ; et, occupé seulement à laisser derrière lui d’affreux
déserts, il transportait dans ses États les habitants et les trésors des
provinces [894] .
    Dans le temps que l’Asie tremblait au nom de Sapor, ce
prince reçut en présent un grand nombre de chameaux chargés des marchandises
les plus précieuses et les plus rares ; ces richesses, dignes d’être
offertes aux plus grands rois, étaient accompagnées d’une lettre noble à la
fois et respectueuse de la part d’Odenat, l’un des plus illustres et des plus
opulents sénateurs de Palmyre. Quel est cet Odenat ? dit le fier
vainqueur, en faisant jeter ses présents dans l’Euphrate ; quel est ce vil
esclave qui osé écrire si insolemment à son maître ? S’il veut conserver
l’espoir d’adoucir son

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