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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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générale, et la pompe ridicule de ses triomphes aggravait
le poids des calamités, publiques [903] .
On venait perpétuellement lui annoncer des invasions, des défaites et des
révoltes ; ces tristes nouvelles n’excitaient en lui qu’un sourire
d’indifférence. Choisissant, avec un mépris affecté, quelque production
particulière d’une province perdue, il demandait froidement si Rome ne pouvait
subsister sans le lin d’Égypte ou sans les étoffes d’Arras. La vie de Gallien
présente cependant de courts intervalles où ce prince, irrité par quelque
injure récente, déploya tout à coup l’intrépidité d’un soldat et la cruauté
d’un tyran ; mais bientôt, rassasié de sang ou fatigué de la résistance,
il reprenait insensiblement la mollesse naturelle et l’indolence de son
caractère [904] .
    Tandis que les rênes de l’État flottaient en de si faibles
mains, il n’est pas étonnant que toutes les provinces de l’empire aient vu
s’élever contre le fils de Valérien une foule d’usurpateurs. Les écrivains de
l’ Histoire Auguste ont cru jeter plus d’intérêt dans leur récit en
comparant les trente tyrans de Rome avec les trente tyrans d’Athènes : cette
idée est probablement ce qui les a engagés à choisir ce nombre célèbre et connu [905] . Dans tous les
points, le parallèle est imparfait et ridicule. Quelle ressemblance
pouvons-nous apercevoir entre un conseil de trente personnes réunies pour
opprimer une seule ville, et une liste incertaine de rivaux indépendants, dont
l’élévation et la chute se succédaient sans aucun ordre dans l’étendue d’une
vaste monarchie ? Le nombre même de trente ne peut être complet qu’en
comprenant parmi ces tyrans les enfants et les femmes qui furent honorés du
titre impérial. Le règne de Gallien, au milieu des troubles qui le déchirement
ne produisit que dix-neuf prétendants au trône : Cyriades, Macrien,
Baliste, Odenat et Zénobie en Orient ; dans la Gaule et dans les provinces
occidentales, Posthume, Lolien, Victorin et sa mère Victoria, Marius et
Tetricus ; en Illyrie et sur les confins du Danube, lngenuus, Régilien et
Auréole ; dans le Pont, Saturnin [906]  ;
Trébellien, en Isaurie ; dans la Thessalie, Pison ; Valens en
Achaïe ; Émilien en Égypte, et Celsus en Afrique. Les monuments de la vie
et de la mort de tous ses prétendants sont ensevelis dans l’obscurité ;
nous ne pourrions les éclaircir qu’en entrant dans des détails dont la
sécheresse rebuterait le lecteur sans lui rien apprendre d’utile. Bornons-nous,
donc à quelques traits généraux qui marquent fortement la condition des temps
et les caractères de ces usurpateurs, et qui fassent connaître leurs
prétentions, leurs motifs, leurs destinées et les suites funestes de leur
rébellion [907] .
    On sait que les anciens employaient souvent le nom de tyran pour désigner ceux qui s’emparaient de l’autorité suprême par des voies
illégitimes. Cette dénomination odieuse n’avait alors aucun rapport avec l’abus
du pouvoir. Plusieurs des prétendants qui levèrent l’étendard de la révolte
contre l’empereur Gallien, étaient de brillants modèles de vertu ; ils
possédaient presque tous beaucoup de talents et de fermeté. Leur mérite leur
avait attiré la faveur de Valérien, et les avait insensiblement élevés aux
premières dignités de l’État. Les généraux, qui prirent le titre d’Auguste,
s’étaient concilié le respect de leur armée, par leur habileté à maintenir la
discipline, ou son admiration par leur bravoure et leurs exploits, ou son
affection par leur générosité et leur franchise : ils furent souvent proclamés
sur le champ de la victoire. L’armurier Marius lui-même, le moins illustre de
ces candidats, se distingua par l’intrépidité de son courage, par une force de
corps extraordinaire et par l’honnêteté de ses mœurs grossières [908] . La médiocrité
de la profession qu’il venait d’exercer jette, il est vrai, un air de ridicule
sur son élévation soudaine ; mais sa naissance ne pouvait pas être plus obscure
que celle de la plupart de ses rivaux, qui nés de paysans, étaient d’abord
entrés au service comme simples soldats [909] .
Dans les siècles de confusion, un génie actif trouve la place qui lui a été
assignée par la nature : au milieu des troubles qu’enfante la guerre, le mérite
militaire et la route qui mène à la gloire et à la grandeur. Parmi les

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