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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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châtiment, qu’il vienne se prosterner au pied de nôtre
trône, qu’il paraisse devant nous les mains liées derrière le dos : s’il
hésite, une prompte destruction écrasera sa tête, sa race et son pays [895] . L’extrémité
cruelle où le Palmyrénien se trouvait réduit développa les sentiments généreux
cachés dans son âme. Odenat se rendit devant Sapor, mais il s’y rendit en
armes, inspirant son courage à la petite armée qu’il avait levée dans les
villages de la Syrie [896] et dans les tentes du désert [897] .
Il voltigea autour des Perses, les harassa dans leur retraite, s’empara d’une
partie de leurs richesses ; et, ce qui était infiniment plus précieux qu’aucun
trésor, il enleva plusieurs des femmes du grand roi, qui fût enfin obligé de
repasser l’Euphrate à la hâte, avec quelques marques de confusion [Pierre
Patrice, p. 25] . Par cet exploit, Odenat jeta les fondements de la gloire
et de la fortune dont il devait jouir dans la suite. La majesté de Rome, avilie
par un Persan, fût vengée par un Syrien ou un Arabe de Palmyre.
    La voix de l’histoire, qui n’est souvent que l’organe de la
haine ou de la flatterie, reproche à Sapor d’avoir indignement abusé des droits
de la victoire. On prétend que le malheureux Valérien, chargé de fers et
couvert des ornements de la pourpre impériale, offrit longtemps aux regards de
la multitude le triste spectacle de la grandeur renversée. Toutes les fois que
le monarque persan montait à cheval, il plaçait son pied sur le cou d’un empereur
romain. Malgré toutes les remontrances de ses alliés, qui ne cessaient de lui
rappeler les vicissitudes de la fortune, qui lui peignaient la puissance encore
formidable de Rome, et qui l’exhortaient à faire de son illustre captif le gage
de la paix et non un objet d’insulte, Sapor demeura toujours inflexible.
Lorsque Valérien succomba sous le poids de la honte et de la douleur, sa peau,
garnie de paille, et conservant une forme humaine, resta suspendue pendant
plusieurs siècles dans le temple le plus célèbre de la Perse : monument de
triomphe plus réel que tous ces simulacres de cuivre ou d’airain érigés si
souvent par la vanité romaine [898] .
Cette histoire est touchante, et renferme une grande morale ; mais il est
permis de la révoquer en doute. Les lettres encore existantes des princes de
l’Orient à Sapor sont évidemment fausses [899]  ;
d’ailleurs, est-il naturel de supposer qu’un monarque si jaloux de sa dignité
ait ainsi dégradé, même dans la personne d’un rival, la majesté des rois ?
Quelque traitement que l’infortuné Valérien ait éprouvé en Persée, il est du
moins certain que ce prince, le premier empereur de Rome qui soit tombé entre
les mains de l’ennemi, passa ses tristes jours dans une captivité sans
espérance.
    Depuis longtemps Gallien supportait avec peine la censure
sévère d’un père et d’un collègue : il reçut la nouvelle de ses malheurs
avec un plaisir secret, et avec une indifférence marquée. Je savais ,
dit-il, que mon père était homme ; et puisqu’il s’est conduit avec
courage, je suis satisfait . Tandis que Rome consternée déplorait le sort de
son souverain, de vils courtisans applaudissaient à la dure insensibilité du
fils de ce malheureux prince, et le louaient d’être parvenu à la fermeté
parfaite d’un héros et d’un philosophe [900] .
Il serait difficile de saisir les traits du caractère léger, variable et
inconstant, que développât Gallien dès que devenu seul maître de l’empire, il
ne fut plus retenu par aucune contrainte. La vivacité de son esprit le rendait
propre à réussir dans tout ce qu’il entreprenait ; et, comme il manquait
de jugement, il embrassa tous les arts excepté les seuls dignes d’un souverain,
ceux de la guerre et du gouvernement. Il possédait plusieurs sciences
curieuses, mais inutiles : orateur facile, poète élégant [901] , habile
jardinier, excellent cuisinier, il était le plus méprisable de tous les
princes. Tandis que les affaires les plus importantes de l’État exigeaient ses
soins et sa présence, il s’occupait à converser avec le philosophe Plotin [902] , ou, plus
souvent encore, il passait son temps dans la débauche ou dans des amusements
frivoles, tantôt il se préparait à être initié aux mystères de la Grèce, tantôt
il sollicitait une place à l’aréopage d’Athènes. Sa magnificence prodigue
insultait à la misère

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