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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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L’ambition des
généraux qui auraient voulu s’emparé de la pourpre, était contenue par leurs
craintes respectives. Le jeune Numérien et son frère Carin, alors absent,
furent universellement reconnus. Les Romains espéraient que le successeur de
Carus marcherait sur les traces de son père, et, que, sans laisser aux Perses
le temps de revenir de leur consternation, il porterait le fer et le feu dans
les palais de Suze et d’Ecbatane [1079]  ;
mais les légions, si redoutables par leur nombre et par leur discipline, ne
purent résister aux viles terreurs de la superstition. Malgré tous les
artifices que l’on employa pour déguiser les circonstances de la mort du
dernier empereur, il ne fut pas possible de détruire l’opinion de la multitude,
et la force de l’opinion est irrésistible. Les lieux et les personnes frappés
de la foudre paraissent singulièrement dévoués à la colère du ciel [1080]  ; les
anciens ne les regardaient qu’avec une pieuse horreur. On parla d’un oracle qui
désignait le Tigre comme la borne fatale des armes romaines. Les groupes,
effrayées du sort de Carus et de leurs propres dangers, sommèrent hautement le
jeune Numérien, d’obéir à la volonté des dieux, et de les tirer d’un pays où
elles ne pouvaient combattre que sous les plus malheureux auspices. Le faible
empereur se laissa entraîner parleurs préjugés, et les Perses ne purent voir
sans étonnement la retraite subite d’un ennemi victorieux [1081] .
    On apprit bientôt à Rome la mort mystérieuse de l’empereur.
Le sénat et les provinces se félicitèrent de l’avènement des fils de Carus. Ces
jeunes princes cependant n’avaient point ce sentiment d’une supériorité de
naissance ou de mérite, qui seule peut rendre la possession d’un trône facile
et presque naturelle. Nés dans une condition privée, ils avaient reçu
l’éducation de leur état, lorsque l’élection de leur père les appela tout à
coup au rang de princes ; sa mort, qui arriva seize mois après environ,
leur assura l’héritage inattendu d’un empire immense. Pour soutenir avec
modération une fortune si rapide, il eût fallu une prudence et une vertu
extraordinaires, qualités dont Carin, l’aîné des deux frères, était,
entièrement dépourvu. Il avait montré quelque courage dans la guerre de la
Gaule [1082] ; mais, dès qu’il fut arrivé à Rome, il s’abandonna, sans aucune retenue, au
luxe de la ville et à l’abus de l’autorité. Il était faible et cependant cruel,
livré aux plaisirs, mais dénué de goût ; et, quoique singulièrement
susceptible de vanité, il paraissait insensible à l’estime publique. Dans le
cours de quelques mois il épousa et répudia successivement neuf femmes qu’il
laissa pour la plupart enceintes ; et, malgré tant d’engagements légitimes
si souvent rompus, il trouvait le temps de satisfaire une foule d’autres
passions qui le couvraient d’opprobre, et déshonoraient les premières familles
de l’État. Rempli d’une haine implacable contre tous ceux qui pouvaient se rappeler
son ancienne obscurité, ou désapprouver sa conduite présente, il eut la
bassesse de persécuter les compagnons de son enfance qui n’avaient point assez
respecté la majesté future de l’empereur ; et les sages conseillers que
son père avait placés auprès de lui pour guider sa jeunesse sans expérience,
furent condamnés à l’exil ou au dernier supplice. Carin traitait les sénateurs
avec fierté ; il affectait de leur parler en maître, et il leur disait souvent
qu’il avait intention de distribuer leurs biens à la populace de Rome. Ce fut
d’entre les derniers de cette populace qu’il tira ses favoris et ses ministres.
On voyait dans le palais, à la table même du prince, des chanteurs, des
danseurs, des courtisanes, et tout le cortége du vice et de la folie. Un huissier [1083] obtint le
gouvernement de la ville à la place du préfet du prétoire, qui fut mis à mort,
Carin substitua l’un des ministres de ses plaisirs les plus dissolus. Un autre,
qui avait les mêmes droits à sa faveur, ou qui l’avait obtenue par un moyen encore
plus infime, reçut les honneurs du consulat. Enfin, un secrétaire de confiante,
très habile dans l’art de contrefaire les écritures, fût chargé par l’indolent
empereur de le délivrer du devoir pénible de signer son nom.
    Lorsque Carus avait entrepris la guerre de Perse, la
politique et sa tendresse pour sa famille, dont il

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