Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
dans son enfance, et dont la famille avait été victime de
cette action généreuse. Le frère d’Artavasdès obtint le gouvernement d’une
province. Un des premiers grades militaires fut donné, au satrape Otas, homme
d’un courage et d’une tempérance singuliers. Il offrit au roi sa sœur [1165] et un trésor
considérable, qui, renfermés dans une citadelle, avaient échappé l’un et
l’autre à la cupidité des Perses. Parmi les seigneurs d’Arménie parut un allié
dont la destinée est trop remarquable pour être passée sous silence. Il se
nommait Mamgo, et il avait pris naissance en Scythie. Fort peu d’années
auparavant, la horde qui lui obéissait campait sur les confins de l’empire
chinois [1166] ; qui s’étendait alors jusqu’au voisinage de la Sogdiane [1167] . Ayant encouru
la disgrâce de son maître, Mamgo, suivi de ses partisans, se retira sur les
rives de l’Oxus, et implora la protection de Sapor. L’empereur chinois réclama
le fugitif, en faisant valoir les droits de souveraineté. Le monarque persan
allégua les lois de l’hospitalité ; mais ce ne fut pas sans quelque
difficulté qu’il évita la guerre, en promettant de bannir Mamgo à l’extrémité
de l’Occident ; punition, disait-il, non moins terrible que la mort même.
L’Arménie fut choisie pour le lieu de l’exil, et on assigna aux Scythes un
territoire considérable où ils pussent nourrir leurs troupeaux, et transporter
leurs tentes d’un lieu à l’autre, selon les différentes saisons de l’année. Ils
eurent ordre de repousser l’invasion de Tiridate ; mais leur chef, après avoir
pesé les services, et les injures qu’il avait reçues du monarque persan résolus
d’abandonner son parti. Le prince arménien, qui connaissait le mérite et la
puissance d’un pareil allié traita Mamgo avec distinction; et, en l’admettant à
sa confiance, acquit un brave et fidèle serviteur, qui contribua très
efficacement à le faire remonter sur le trône de ses ancêtres [ H. Arm. ,
2, 81] .
La fortune sembla favoriser pendant quelque temps la valeur
entreprenante de Tiridate. Non seulement il chassa de l’Arménie les ennemis de
sa famille et de son peuple, mais encore animé du désir de se venger, il porta
ses armes, ou du moins fit des incursions dans le cœur de l’Assyrie.
L’historien qui a sauvé de l’oubli le nom de Tiridate, célèbre avec
l’enthousiasme national sa valeur personnelle ; et, suivant le véritable
esprit des romans orientaux, il décrit les géants et les éléphants qui
tombèrent sous son bras invincible. D’autres monuments nous apprennent que le
prince arménien dut une partie de ses avantages aux troubles qui déchiraient la
monarchie persane. Des frères rivaux se disputaient alors le trône. Hormuz,
après avoir épuisé sans succès toutes les ressources de son parti, implora le
secours dangereux des Barbares qui habitaient les bords de la mer Caspienne [1168] . Au reste, la
guerre civile fut bientôt terminée, soit par la défaite d’un des deux partis,
soit par un accommodement ; et Narsès, universellement reconnu roi de
Perse, tourna toutes ses forces contre l’ennemi étranger. La victoire ne
pouvait être disputée ; la valeur du héros fut incapable de résister à la
puissance du monarque. Tiridate, obligé de descendre une seconde fois du trône
d’Arménie, vint encore se réfugier à la cour des empereurs. Narsès rétablit bientôt
son autorité dans la province rebelle, et, se plaignant hautement de la
protection accordée par les Romains à des séditieux et à des fugitifs, il
médita la conquête de l’Orient [1169] .
Ni la prudence ni l’honneur ne permettaient aux souverains
de Rome d’abandonner la cause du roi d’Arménie. La guerre de Perse fut résolue.
Dioclétien, avec cette dignité calme qui se montrait toujours dans sa conduite,
fixa sa résidence à Antioche, d’où il préparait et dirigeait les opérations
militaires [1170] .
Le commandement fut donne à l’intrépide valeur de Galère, qui, pour cet objet
se transporta des rives du Danube à celles de l’Euphrate. Les armées se
rencontrèrent bientôt dans les plaines de Mésopotamie et se livrèrent deux
combats où les succès furent douteux et balancés. La troisième bataille fut
plus décisive. Les troupes romaines essuyèrent une défaite totale, attribuée
généralement à la témérité de Galère, qui osa attaquer avec un petit corps de
troupes l’armée
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