Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
l’empire. Crispus, jeune
prince du caractère le plus aimable, qui avait reçu, avec le titre de César, le
commandement du Rhin, signala sa valeur et son habileté par plusieurs victoires
sur les Francs et sur les Allemands. Il apprit aux Barbares de cette frontière
à redouter le fils aîné de Constantin et le petit-fils de Constance [1327] . L’empereur
s’était réservé le département plus important et bien plus difficile du Danube.
Les Goths, qui, sous les règnes de Claude et d’Aurélien, avaient senti le poids
des armes romaines, respectèrent la puissance de l’empire, même au milieu des
discordes intestines qui le déchirèrent après la mort de ces princes. Mais
cinquante ans de paix avaient alors réparé les forces de cette nation
belliqueuse. Il s’était élevé une nouvelle génération qui ne se ressouvenait
plus des malheurs des anciens temps. Les Sarmates des Palus-Méotides suivirent
les étendards des Goths, comme sujets ou comme alliés, et ces Barbares réunis
fondirent tout à coup sur les provinces illyriennes [an 322] . Campona,
Margus et Bononia [1328] ,
paraissent avoir été le théâtre de plusieurs sièges et de plusieurs combats [1329] mémorables.
Quoique Constantin trouvât une résistance opiniâtre, il vint à bout de
terrasser ces redoutables adversaires ; et les Goths achetèrent la
permission de se retirer honteusement, en rendant le butin qu’ils avaient pris.
Cet avantage ne satisfaisait pas l’indignation de l’empereur. Décidé à châtier,
en même temps qu’il les repoussait, des Barbares insolents qui avaient osé
envahir le territoire de Rome, après avoir réparé le port construit par Trajan,
il passa le Danube à la tête de ses légions, et pénétra dans les retraites les
plus inaccessibles de la Dacie [1330] ;
et, après avoir exercé une vengeance sévère, il consentit à donner la paix au
peuple suppliant des Goths, à condition qu’ils lui fourniraient un corps de
quarante mille soldats toutes les fois qu’il l’exigerait [1331] . De pareils
exploits honorent sans doute ce prince, et furent utiles à l’empire ; mais
on doute qu’ils puissent justifier une assertion exagérée d’Eusèbe. Selon cet
auteur, TOUTE LA SCYTHIE , pays immense, divisé en tant de nations
de noms si différents et de mœurs si sauvages, fut, jusqu’a son extrémité
septentrionale, ajoutée à l’empire romain par les armes victorieuses de
Constantin [1332] .
Parvenu à ce haut point de gloire, il eût été difficile à
Constantin de souffrir que l’empire fît plus longtemps partagé. Plein de
confiance en la supériorité de son génie et de sa puissance militaire, il se
détermina, sans avoir eu à se plaindre d’aucune injure, à précipiter du trône
un collègue dont l’âge avancé et, les vices détestés semblaient rendre la
destruction facile [1333] .
Mais, à l’approche du danger, le vieil empereur trompa l’attente de ses amis
aussi bien que de ses adversaires. Rappelant tout à coup celte bravoure et ces
talents qui lui avaient mérité l’amitié de Galère et la pourpre impériale, il
se prépara au combat ; assembla les forces de l’Orient, et remplit bientôt
de ses troupes, les plaines d’Andrinople, tandis que ses vaisseaux couvraient
l’Hellespont. on armée consistait en cent cinquante mille fantassins et quinze
mille cavaliers. Comme cette cavalerie avait été principalement tirée de la
Phrygie et de la Cappadoce, on peut se former une idée plus favorable de la
beauté des chevaux que du courage et de l’habileté de ceux qui les montaient.
Trois cent cinquante galères à trois rangs de rames composaient la flotte.
L’Égypte et la côte adjacente de l’Afrique en avaient fourni cent trente. Cent
dix de ces bâtiments venaient des ports de la Phénicie et de l’île de Chypre.
Enfin, les contrées maritimes de la Bithynie, de l’Ionie et de la Carie,
avaient été forcées de donner les cent dix autres. Constantin assigna le
rendez-vous de ses troupes à Thessalonique. Elles se montaient à plus de cent
vingt mille hommes, tant infanterie que cavalerie [Zozime, II] . Leur
chef contemplait avec plaisir leur air martial ; et son armée, quoique
inférieure en nombre à celle de son rival renfermait plus de soldats. Les
légions de Constantin avaient été levées dans les provinces belliqueuses de
l’Europe ; leur discipline avait été éprouvée ; leurs anciennes victoires
enflaient leurs espérances, et,
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