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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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main du bourreau [1435] .
Leur vie sérieuse et retirée, entièrement éloignée du luxe et des plaisirs du
siècle, les endurcissait à la chasteté, à la tempérance l’économie, à toute la modestie
des vertus domestiques. Comme la plus grande partie d’entre eux exerçait
quelque métier où quelque profession, il leur importait d’agir avec la bonne
foi la plus évidente, et avec la plus scrupuleuse intégrité, pour éloigner tous
les soupçons que les profanes sont trop disposés à concevoir contre les
apparences de la sainteté. Le mépris du monde entretenait perpétuellement les
fidèles dans des sentiments de patience, de douceur et d’humilité. Plus on les
persécutait, plus ils s’attachaient les uns aux autres. Leur charité mutuelle
et leur confiance généreuse n’ont point échappé aux regards des infidèles, et
des amis perfides n’en ont que trop souvent abusé [1436] .
    Ce qui doit donner une haute idée de la morale des premiers
chrétiens, c’est que leurs fautes même, ou plutôt leurs erreurs, venaient d’un
excès de vertu. Les évêques et les docteurs de l’Église, dont le témoignage
atteste et dont l’autorité pouvait dirigés la foi, les principes et même la
conduite de leurs contemporains, avaient étudié les Écritures avec moins de
sagacité que de dévotion ; ils prenaient souvent dans le sens le plus
littéral ces préceptes rigides, enseignés par Jésus-Christ et par ses apôtres,
et que dans la suite des commentateurs prudents ont expliqués d’une manière
moins stricte et plus figurée. Animés du désir d’élever la perfection de
l’Évangile au-dessus de la doctrine de la philosophie, les pères ont porté dans
leur zèle les devoirs de la mortification de soi-même, de la pureté et de la
patience, à une hauteur où il nous est à peine possible d’atteindre, et bien
moins encore de nous soutenir dans notre état présent de faiblesse et de
corruption. Une doctrine si extraordinaire et si sublime ne pouvait manquer
d’attirer la vénération du peuple ; mais elle n’était nullement propre à
gagner le suffrage de ces philosophes mondains, qui, dans le cours de cette vie
passagère, ne consultent que les mouvements de la nature et l’intérêt de la
société [1437] .
    Dans les caractères les plus vertueux et les plus honnêtes,
il est facile de démêler deux penchants bien naturels : l’amour du plaisir et
l’amour de l’action. Si l’amour du plaisir est épuré par l’art et par la
science, s’il est embelli par les charmes de la société, et qu’il soit modifié
par les justes égards qu’exigent la prudence, la santé et la réputation, il
produit la plus grande partie du bonheur que l’homme goûte dans la vie privée.
L’amour de l’action est un principe d’une espèce plus forte, et dont les effets
ne sont pas si certains ; souvent il mène à la colère, à l’ambition, à la
vengeance ; mais lorsqu’il est dirigé par un sentiment d’honnêteté et de
bienfaisance, il enfante toutes les vertus ; et si ces vertus sont
accompagnées de talents capables de les développer, une famille, un État ou un
empire devra sa sûreté et sa prospérité au courage infatigable d’un seul homme.
Nous pouvons donc attribuer à l’amour du plaisir la plupart des qualités
aimables, à l’amour de l’action la plupart des qualités respectables et utiles.
Un caractère sur lequel ces deux puissants mobiles agiraient de concert et dans
une juste proportion, semblerait constituer l’idée la  plus parfaite de la
nature humaine. L’âme insensible et inactive que l’on ne supposerait dirigée
par aucun de ces principes, serait unanimement rejetée de la société, comme
incapable de procurer aucun bonheur à l’individu, ou aucun avantage public au
monde. Mais ce n’était pas dans ce monde que les premiers chrétiens désiraient
de se rendre agréables ou utiles.
    L’homme dont l’esprit a été cultivé par l’éducation, peut,
dans ses moments de loisir, acquérir de nouvelles connaissances, exercer sa
raison ou son imagination, et se livrer sans défiance à tout l’abandon d’une
conversation agréable. Les pères cependant avaient en horreur des occupations
si contraires à la sévérité de leur conduite, ou ils ne les permettaient
qu’avec la plus grande réserve. Ils méprisaient toutes les connaissances qu’ils
jugeaient inutiles à l’œuvre du salut, et les discours frivoles leur
paraissaient un abus

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