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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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[1661] .
On rapporte plusieurs traits de courage de quelques martyrs qui exécutèrent
réellement ce que saint Ignace avait résolu, qui irritèrent la fureur des
lions ; qui, exhortant les bourreaux à se hâter, s’élancèrent avec joie
dans les flammes allumées pour les consumer, et qui donnèrent des marques de
plaisir et de satisfaction au milieu des tourments les plus cruels. On vit
souvent le zèle  impatient des chrétiens forcer les barrières que le
gouvernement avait posées pour la sûreté de l’Église ; ils suppléaient,
par leurs déclarations volontaires, au manque d’accusations ; ils
troublaient sans management le service public du paganisme [1662]  ; et se
précipitant en foule autour du tribunal des magistrats, ils les sommaient de
prononcer la sentence de condamnation, et de leur infliger les peines décernées
par la loi. Une conduite si remarquable ne pouvait échapper à l’attention des
anciens philosophes ; mais il parait qu’elle leur inspira bien moins
d’admiration que d’étonnement. Incapables de concevoir les motifs qui
transportaient quelquefois le courage des fidèles au-delà des bornes de la
prudence ou de la raison, ils attribuaient ce désir de la mort à un résultat
étrange de désespoir obstiné d’insensibilité stupide ou de frénésie
superstitieuse [1663] . Malheureux ! s’écriait le proconsul Antonin, en s’adressant aux
chrétiens d’Asie, malheureux ! puisque vous êtes si las de la vie, vous
est-il si difficile de trouver des cordes et des précipices ? [1664] Il était (comme
l’a observé un pieux et savant historien) fort réservé à punir des coupables
qui n’avaient d’accusateurs qu’eux-mêmes, les lois impériales n’ayant point
encore pourvu à un cas si extraordinaire. Se bornant donc à en condamner un
petit nombre pour servir d’exemple aux autres chrétiens ; il renvoyait la
multitude avec indignation et avec mépris [1665] .
Malgré ce dédain réel ou affecté, la constance intrépide des fidèles produisit
les effets les plus salutaires sur les esprits que la nature ou la grâce avait
heureusement disposés à recevoir les vérités de la religion. Souvent les
idolâtres, témoins de ces tristes spectacles, touchés de compassion, admiraient
et se convertissaient. Un  généreux enthousiasme se communiquait du patient aux
spectateurs ; et, comme on l’a souvent observé, le sang des martyrs devint
la semence de l’Église.
    Mais, quoique la dévotion eût excité dans les âmes une
fièvre que l’éloquence cherchait toujours à entretenir, les espérances et les
craintes plus naturelles du cœur humain, l’amour de la vie, l’appréhension de
la douleur, l’horreur de la dissolution, reprirent insensiblement leurs droits.
Les sages directeurs de l’Église se trouvaient obligés de restreindre l’ardeur
indiscrète des chrétiens, et de se méfier d’une constance qui les abandonnait
trop souvent au moment du danger [1666] .
A mesure que les fidèles renoncèrent aux mortifications, et que leur vie devint
moins austère, ils se montrèrent de jour en jour plus insensibles à l’honneur
du martyre. Les soldats de Jésus-Christ, au lieu de se distinguer par des actes
volontaires d’héroïsme, abandonnaient fréquemment leur poste, et fuyaient avec
confusion devant un ennemi auquel il eût été de leur devoir de résister. Il y
avait cependant, pour échapper aux flammes de la persécution, trois moyens qui
n’étaient pas tous également condamnables. Le premier, en effet, avait été
déclaré innocent ; le second, dont l’espèce paraissait plus incertaine, était
au moins une offense vénielle ; mais en suivant le troisième, on se
rendait coupable d’une apostasie criminelle et directe.
    1° Un inquisiteur moderne serait bien étonné d’apprendre
que, chez les Romains, toutes les fois que l’on dénonçait un chrétien aux
magistrats, on communiquait les charges à l’accusé, et qu’on lui laissait
toujours un temps convenable pour arranger ses affaires domestiques, et pour
répondre au crime qui lui avait été imputé [1667] .
S’il doutait de sa propre constance, un pareil délai lui procurait  la facilité
de conserver sa vie et son honneur par la fuite, de se cacher dans quelque
retraite obscure ou dans quelque province éloignée, et d’attendre patiemment le
retour de la paix et de la tranquillité. Un parti si conforme à la raison fut
bientôt autorisé par l’avis et par

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