Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
se
passa point d’événement plus important dans cette période de repos et de
tranquillité [1679] .
Enfin, la paix de l’Église ne fut interrompue que lorsque le nombre, sans cesse
augmentant, des prosélytes, eut attiré l’attention de Sévère, et aliéné
l’esprit de ce prince. Dans la vue d’arrêter les progrès du christianisme, il
publia un édit qui, selon les intentions du souverain, ne devait concerner que
les nouveaux convertis, mais qui ne pouvait être rigoureusement exécuté sans
exposer au danger du châtiment les plus zélés de leurs prédicateurs et de leurs
missionnaires. Il est facile le découvrir dans cette persécution adoucie le
génie indulgent de Rome et du polythéisme, qui admettait si facilement toute
espèce d’excuse en faveur de ceux qui pratiquaient les cérémonies religieuses
de leurs ancêtres [1680] .
Mais les lois établies par Sévère expirèrent bientôt avec
l’autorité de cet empereur. Les chrétiens, après cet orage passager, jouirent d’un
calme de trente-huit ans [1681] .
Jusqu’à cette époque, ils avaient ordinairement tenu leurs assemblées dans des
maisons particulières et dans des lieux retirés. Il leur fut alors permis
d’élever et de consacrer des édifices convenables pour célébrer leur culte
religieux [1682] ;
de faire à Rome même des acquisitions de terres destinées à l’usage de leur
société ; de nommer publiquement leurs ministres ecclésiastiques ; et
ils se conduisirent, dans les élections, d’une manière si exemplaire, qu’ils
méritèrent le respect des gentils [1683] .
Durant ce long repos, l’Église obtint de la considération. Les règnes de ces
princes, qui tiraient leur origine des provinces asiatiques, furent les plus
favorables aux chrétiens. Les personnages éminents de la secte, au lieu d’être
réduits à la nécessité d’implorer la protection d’un esclave ou d’une
concubine, furent admis dans le palais, revêtus du caractère honorable de
prêtres et de philosophes, et leur doctrine mystérieuse, déjà répandue parmi le
peuple, attira insensiblement la curiosité ces souverains. Lorsque
l’impératrice Mammée passa par Antioche, elle parut désirer de s’entretenir
avec le célèbre Origène ; dont tout l’Orient vantait la piété et les
connaissances. Origène se rendit à une invitation si flatteuse ; et, quoiqu’il
ne dût pas espérer de pouvoir convertir une femme rusée et ambitieuse, ses
éloquentes exhortations furent écoutées avec plaisir, et Mammée le renvoya
honorablement dans sa retraite en Palestine [1684] . Alexandre
adopta, les sentiments de sa mère ; et la dévotion philosophique de ce
prince se manifesta par un respect singulier mais peu judicieux pour la
religion chrétienne. Il plaça dans sa chapelle domestique les statues
d’Abraham, d’Orphée, d’Apollonius, et de Jésus-Christ, qu’il regardait comme
les plus vénérables de ces sages qui avaient instruit les hommes des
différentes formes de culte sous lesquelles ils doivent adresser leur hommage à
la divinité suprême et universelle [1685] .
Une foi et un culte plus purs furent professés et pratiqués ouvertement dans
son palais [ en 235 ].
Ce fut peut-être alors pour la première fois que l’on vit
des évêques à la cour. Après la mort d’Alexandre, lorsque le barbare Maximin
fît tomber sa rage sur les serviteurs et sur les favoris de son infortune
bienfaiteur, un grand nombre de chrétiens de tout rang et de tout sexe se
trouva enveloppé dans le massacre tumultueux qui, pour cette raison, a été
appelé, fort improprement [1686] ,
du nom de persécution [1687] .
Malgré l’humeur cruelle du tyran, les effets de sa haine
contre les chrétiens furent circonscrits dans des limites étroites ; et
n’eurent qu’une courte durée. Le pieux Origène, qui avait été proscrit comme
une victime dévouée à la mort [ en 244 ], était encore destiné à porter la
vérité de l’Évangile à l’oreille des rois [1688] .
Il adressa plusieurs lettres édifiantes à Philippe, à la femme et à la mère de
cet empereur ; et dès que ce prince, né dans le voisinage de la Palestine,
eut usurpé le trône, les chrétiens acquirent enfin un ami et un protecteur. La
faveur déclarée de Philippe, sa partialité même envers les sectateurs de la
nouvelle religion, et le respect qu’il eût constamment pour les ministres de
l’Église, donnent un air de vraisemblance aux soupçons que l’on
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