Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
l’exemple des plus saints prélats ; et
il parait qu’il fut généralement approuvé, excepté par les montanistes, qu’un
attachement rigoureux et opiniâtre à l’ancienne discipline jeta enfin dans
l’hérésie [1668] .
2° Les gouverneurs des provinces, dont l’avarice l’emportait
sur le zèle, avaient coutume de vendre des certificats (ou libelles ,
comme on les appelait alors). Ces certificats attestaient que ceux qui y
étaient nommés s’étaient soumis aux lois et avaient sacrifié aux divinités
romaines. En produisant ces fausses déclarations, les chrétiens opulents et
timides pouvaient imposer silence aux délateurs, et concilier, en quelque
sorte, leur sûreté avec leur religion. Une légère pénitence [1669] expiât la faute
de cette dissimulation profane [1670] .
Dans toutes les persécutions il y eût un grand nombre d’indignes chrétiens qui
désavouèrent ou abandonnèrent publiquement leur religion, et qui confirmèrent
la sincérité de leur abjuration par quelque acte légal, soit en brûlant de
l’encens, soit en offrant des sacrifices. Parmi ces apostats, les uns avaient
cédé à la première menace, ou à la première exhortation des magistrats. La
patience des autres, n’avait pu être subjuguée que par la lenteur et par le
redoublement des supplices. Ceux-ci ne s’avançaient qu’en tremblant ;
l’épouvante peinte dans leurs regards décelait leurs remords intérieurs, tandis
que ceux-là, marchaient avec confiance et avec joie aux autels des dieux [1671] . Mais le déguisement
que la crainte avait forcé de prendre, tombait avec le danger. Dès que la
rigueur de la persécution se ralentissait, les portés de l’Église étaient
assaillies d’une multitude de pénitents qui détestaient leur soumission
sacrilège, et qui sollicitaient avec une égale ardeur, mais avec des succès
différents, la permission de rentrer dans le sein de la société des fidèles [1672] .
3° Malgré les règles générales établies pour le jugement et
pour la punition des chrétiens dans un gouvernement étendu et arbitraire, leur
sort devait toujours dépendre, en grande partie, de leur propre conduite, des
circonstances des temps, et du caractère des principaux chefs et des
administrateurs subordonnés qui les gouvernaient. Le zèle pouvait quelquefois
provoquer la fureur superstitieuse des païens. La prudence pouvait quelquefois
aussi détourner ou apaiser l’orage. Une foule de motifs différents portaient
les gouverneurs des provinces à user de toute la rigueur des lois, ou à se
relâcher dans leur exécution. Le plus puissant de ces motifs était leur
empressement à se conformer, non seulement aux édits publics, mais encore, aux
intentions secrètes de l’empereur, dont un seul coup d’œil suffisait pour
allumer ou pour éteindre les flammes de la persécution. Toutes les fois que l’on
exerça quelques actes de sévérité dans les diverses parties de l’empire, les
premiers chrétiens déplorèrent et peut-être exagérèrent leurs propres
souffrances. Mais le nombre célébrer des dix persécutions a été fixé par
les écrivains ecclésiastiques du cinquième siècle, dont la vue pouvait
embrasser plus complètement les vicissitudes de la fortune de l’Église, depuis,
Néron jusqu’à Dioclétien. Les parallèles ingénieux des dix plaies de
l’Égypte et des dix cornes de l’Apocalypse leur donnèrent la première
idée de ce calcul ; en appliquant à la vérité de l’histoire la croyance
qu’exigent les prophéties, ils eurent soin de choisir les règnes qui avaient
été en effet les plus funestes à la cause du christianisme [1673] . Mais ces
persécutions passagères servirent seulement à ranimer le zèle des fidèles, et à
rétablir leur discipline ; et les moments de rigueur excessive furent composés
par de plus longs intervalles de paix et de sécurité. L’indifférence de
quelques princes et l’indulgence de plusieurs autres permirent aux chrétiens
d’exercer leur culte à la faveur d’une tolérance publique, quoiqu’elle ne fût
peut-être pas autorisée par la loi.
L’Apologétique de Tertullien renferme deux exemples très
anciens très singuliers et en même temps très suspects de la clémence des
empereurs É ce sont les édits de Tibère et de Marc-Aurèle, publiés non
seulement pour protéger l’innocence des chrétiens, mais encore pour proclamer
ces miracles surprenants qui attestaient la vérité de leur
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