Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
cathédrale retentissaient des
acclamations les plus extravagantes à la louange de sa divine éloquence.
Arrogant, rigide, inexorable envers ceux, qui résistaient à son pouvoir ou qui
refusaient de flatter sa vanité, le prélat d’Antioche relâchait la discipline
de l’Église en faveur de son clergé, et il lui en prodiguait les trésors. Les
prêtres qui lui étaient soumis avaient la liberté, à l’imitation de leur chef
de satisfaire tous leurs appétits sensuels ; car Paul se livrait, sans
scrupule aux plaisirs de la table, et il avait reçu dans le palais épiscopal
deux jeunes femmes d’une grande beauté, qui, lui servaient ordinairement de
compagnes dans ses moments de loisir [1699] .
Malgré ces vices scandaleux, si Paul de Samosate eût
conservé la pureté de la foi orthodoxe, son règne sur la capitale de la Syrie
ne se serait terminé qu’avec sa vie [1700] ,
et s’il se fût élevé par hasard une persécution, un effort de courage l’aurait
peut-être placé au rang des saints et des martyrs. Il avait eu l’imprudence
d’adopter quelques erreurs subtiles et délicates concernant la doctrine de la
Trinité : son opiniâtreté à les soutenir excita l’indignation et le zèle des
Églises orientales [1701] .
De l’Égypte au Pont-Euxin, les évêques fusent en armes et se donnèrent les plus
grands mouvements. On tint plusieurs conciles ; on publia des réfutations
; les excommunications ne furent pas épargnées après des explications
équivoques , tour à tour acceptées et rejetées ; après des traités violés,
presque aussitôt que conclus, Paul de Samosate fut enfin dégradé de son
caractère épiscopal, par une sentence de soixante-dix ou quatre-vingts évêques,
qui s’assemblèrent à ce sujet dans la ville d’Antioche, et qui, sans consulter
les droits du clergé ou du peuple, lui nommèrent un successeur de leur propre
autorité. L’irrégularité manifeste de cette procédure augmenta le nombre des
mécontents ; et comme Paul, qui n’était pas étranger aux intrigues de cour,
avait su se rendre agréable à Zénobie, il se maintint pendant plus de quatre
ans en possession de son palais et de sa dignité épiscopale. La victoire d’Aurélien
changea la face de l’Orient. Les deux partis, flétris l’un par l’autre des noms
de schismatiques et d’hérétiques eurent ordre ou permission de plaider leur
cause devant le tribunal du vainqueur. Ce procès public et très singulier
fournit une preuve convaincante que l’existence, les propriétés, les privilèges
et la police intérieure des chrétiens, étaient reconnus, sinon par les lois, du
moins par les magistrats de l’empire. Comme païen et comme soldat, on ne devait
pas s’attendre qu’Aurélien entreprît de discuter les sentiments de Paul et de
ses adversaires, et de déterminer ceux qui étaient le plus conformes à la
vérité de la foi orthodoxe. Cependant sa décision fut fondée, sur les principes
généraux de la raison et de l’équité. Il s’en rapporta aux évêques d’Italie
comme aux juges les plus intègres et les plus respectables parmi les chrétiens.
Dès qu’il eut appris qu’ils avaient unanimement approuvé la sentence du
concile, il suivit leur avis ; et Paul fut bientôt obligé, par son ordre,
d’abandonner les possessions temporelles attachées à une dignité dont, au
jugement de ses frères, il avait été justement dépouillé [ en 274 ]. Mais,
en applaudissant à la justice d’Aurélien, il ne faut pas négliger d’observer sa
politique pour rendre à la capitale sa supériorité sur toutes les parties de
l’empire, et pour cimenter la dépendance des provinces, il n’épargnait aucun
des moyens qui pouvaient enchaîner l’intérêt ou les préjugés de tous ses sujets [1702] .
Au milieu des révolutions fréquentes de l’empire, les
chrétiens fleurirent toujours, dans un état de paix et de prospérité ; et
malgré cette ère fameuse de martyrs, qui commence à l’avènement de Dioclétien [1703] , le nouveau
système de gouvernement, établi et maintenu par la sagesse de ce prince, parut
pendant plus de dix-huit ans, conduit par les principes de tolérance les plus
doux et les plus libéraux. L’esprit de Dioclétien lui-même était moins propre
aux recherches spéculatives qu’aux travaux actifs de la guerre et du
gouvernement. Sa prudence le rendait ennemi de toute grande innovation ;
et quoique son caractère ne fût pas très susceptible de
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