Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
la destruction des églises ; mais, il ne craignit
pas de protéger les chrétiens contre la fureur de la populace et contre la
rigueur des lois. Les provinces de la Gaule, et vraisemblablement, celles de la
Bretagne, furent redevables de la tranquillité dont elles jouirent [1743] , à la douce
intervention de leur souverain. Mais Datien, président ou gouverneur d’Espagne,
aima mieux, par zèle ou par politique, exécutée les édits publics des empereurs
que de comprendre les intentions secrètes de Constance. On ne saurait douter
que sous son administration l’Espagne n’ait été teinte du sang d’un petit
nombre de martyrs [1744] .
L’élévation de Constance à la dignité suprême et indépendante d’Auguste, donna
un libre champ à l’exercice de ses vertus ; et la brièveté de son règne ne
l’empêcha pas d’établir un système de tolérance dont il laissa le précepte et
l’exemple à Constantin son heureux fils, qui, à peine monté sur le trône, se
déclara le protecteur de l’Église, et a mérité enfin d’être appelé le premier
empereur qui ait professé publiquement et qui ait établi la religion
chrétienne. Les motifs de sa conversion qui peuvent être diversement attribués
à la dévotion, à la vertu, à la politique, ou aux remords, et les progrès de la
révolution qui, sous l’influence puissante de ce prince et de ses fils, a rendu
le christianisme la religion dominante de l’empire romain, formeront dans la
suite de cette histoire un chapitre très intéressant, et de la plus grande
importance. Il nous suffit maintenant d’observer que chaque victoire de
Constantin apportait à l’Église quelque soulagement ou quelque avantage.
Les provinces de l’Italie et de l’Afrique, éprouvèrent une
persécution courte, mais violente. Maximien haïssait depuis longtemps les
chrétiens ; et il se plaisait à des actes de sang et de violence ; il
exécuta rigoureusement et avec joie les édits de son collègue. Pendant
l’automne de la première année de la persécution, les deux empereurs se
rendirent à Rome pour célébrer leur triomphe. Il paraît que plusieurs lois
oppressives furent le résultat de leurs délibérations secrètes, et la présence
des souverains anima la vigilance des magistrats. Lorsque Dioclétien eut
abdiqué le sceptre, l’Italie et l’Afrique, gouvernées au nom de Sévère, furent
laissées sans défense, en proie au ressentiment implacable de Galère son
maître. Parmi les martyrs de Rome, Adauctus mérite de fixer les regards de la
postérité. Descendu d’une famille très noble de l’Italie, il avait passé
successivement par toutes les dignités du palais, et il avait obtenu l’emploi
important de trésorier des domaines particuliers. Ce qui rend Adauctus plus
remarquable c’est qu’il paraît avoir été la seule personne de rang et de marque
qui ait souffert la mort [1745] pendant tout le cours de cette persécution générale [1746] .
Maxence rendit tout à coup la paix aux Églises de l’Italie
et de l’Afrique, et le même tyran qui opprimait toutes les autres classes de
ses sujets, se montra juste, humain et même partial envers les chrétiens
affligés [1747] .
Il comptait sur leur reconnaissance et sur leur affection ; il présumait
naturellement que les maux dont ils avaient été accablés, et les dangers qu’ils
avaient encore à redouter de son plus implacable ennemi lui assureraient la
fidélité d’un parti déjà considérable par le nombre et par l’opulence de ses
membres [1748] .
La conduite même de Maxence envers les évêques de Rome et de Carthage peut être
regardée comme une preuve de sa tolérance, puisque les princes les plus
orthodoxes auraient vraisemblablement adopté les mêmes mesures à l’égard du
clergé de leurs États. Marcellus, le premier de ces prélats, avait mis la
capitale en combustion par une pénitence sévère, imposée à un grand nombre de
chrétiens, qui, durant la dernière persécution, avaient abjuré ou dissimulé
leur foi. La rage des factions éclata, par des séditions fréquentes et
cruelles. Les fidèles trempèrent leurs mains dans le sang les uns des autres ;
enfin l’exil de Marcellus, prélat, à ce qu’il semble, moins prudent que zélé,
parut, après tant d’agitations, le seul moyen capable de rendre la paix à
l’Église de Rome [1749] .
La conduite de Mensurius, évêque de Carthage, semble avoir été plus
répréhensible. Un diacre de cette ville
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