Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain
exercice public de religion, nous sommes disposés à étendre jusque sur
ces infortunés les effets de notre clémence ordinaire. Nous leur permettons,
donc, de professer librement leur doctrine particulière et de s’assembler dans
leurs conventicules, sans crainte et sans danger, pourvu qu’ils conservent
toujours le respect dû aux lois et au gouvernement établi. Nous ferons
savoir notre volonté, par un autre rescrit aux juges et aux magistrats ;
et nous espérons que notre indulgence engagera les chrétiens à offrir leurs
prières à la divinité qu’ils adorent, pour notre sûreté et pour notre
prospérité, pour leur propre conservation et pour celle de la république [1756] . » Ce n’est
point ordinairement dans le langage des édits et des manifestes qu’il faut
chercher le caractère réel ou les motifs secrets des princes. Mars comme ce
sont ici les expressions d’un empereur mourant, sa situation pourrait être
admise comme un garant de sa sincérité.
Lorsqu’il signa cet édit de tolérance, il était bien
persuadé que Licinius remplirait avec empressement les désirs d’un ami et d’un
bienfaiteur, et que toute mesure prise en faveur du christianisme obtiendrait
l’approbation de Constantin. Mais Galère n’avait point voulu insérer dans le
préambule le nom de Maximin, dont le consentement était de la plus grande
importance, et qui succéda, peu de jours après, au commandement des provinces
de l’Asie. Dans les six premiers mois de son nouveau règne, Maximin affecta
cependant d’adopter les prudentes intentions de son prédécesseur ; et quoiqu’il
ne daignât point assurer, par un édit public, la tranquillité de l’Église,
Sabinus, son préfet au prétoire, adressa aux gouverneurs et aux magistrats des
provinces une lettre circulaire, où, s’étendant sur la clémence impériale, et reconnaissant
l’opiniâtreté invincible des chrétiens, il enjoignait aux officiers de la
justice de cesser les poursuites inutiles, et de fermée les yeux sur les
assemblées secrètes de ces enthousiastes. En vertu de ces ordres, on mit en
liberté un grand nombre de chrétiens, qui avaient été détenus dans les prisons
ou condamnés aux mines. Les confesseurs retournèrent dans leur patrie, chantant
des cantiques de victoire ; et ceux qui avaient cédé à la violence de la
tempête, sollicitèrent, avec des larmes de pénitence, la permission de rentrer
dans le sein de l’Église [1757] .
Mais ce calme trompeur fut de courte dorée ; il n’était
pas possible que les chrétiens d’Orient prissent aucune confiance dans le
caractère de leur souverain. La cruauté et la superstition dominaient dans
l’âme de Maximin : la première de ces deux passions lui suggéra des moyens de
persécution ; l’autre lui en désigna les objets. L’empereur, livré aux
cérémonies du paganisme et à l’étude de la magie, ajoutait la plus
grande foi aux oracles. Les prophètes ou philosophes, qu’il respectait comme
les favoris du ciel, étaient souvent élevés au gouvernement des provinces, et
admis dans ses plus secrets conseils. Ils lui persuadèrent aisément que les
chrétiens avaient été redevables de leur victoire à la régularité de leur
discipline, et que la faiblesse du polythéisme venait principalement d’un
manque d’union et de subordination parmi les ministres des dieux : on
institua donc un nouveau système de gouvernement religieux qui fut
manifestement copié sur l’administration de l’Église. Dans toutes les grandes
villes de l’empire, les temples furent réparés et embellis par l’ordre de
Maximin ; les prêtres chargés du culte des différentes divinités furent
soumis à l’autorité d’un pontife supérieur, créé pour s’opposer à l’évêque, et
pour soutenir la cause du paganisme. Ces pontifes reconnaissaient à leur tour
la suprématie des métropolitains ou grands-prêtres de la province, qui
agissaient comme les vice-régents immédiats de l’empereur lui-même. Ils
portaient une robe blanche pour marque de leur dignité, et on avait soin de
choisir ces nouveaux prélats dans les familles les plus nobles et les plus
opulentes. Par l’influence des magistrats et de l’ordre sacerdotal, le prince
obtint de plusieurs villes, et particulièrement de Nicomédie, d’Antioche et de
Tyr, un grand nombre de requêtes respectueuses, où les intentions bien connues
de la cour étaient adroitement représentées comme le
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