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Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain

Titel: Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Edward Gibbon
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pauvreté, cherchaient dans leur désespoir à terminer, par une mort
glorieuse, une existence misérable ; les autres se flattaient qu’un
emprisonnement de peu de durée expierait les péchés de leur vie entière. Il y
en avait enfin qui, dirigés par des vues bien moins honorables, espéraient
tirer une subsistance abondante et peut-être un profit considérable des aumônes
que la charité des fidèles accordait aux prisonniers [1765] . Lorsque
l’Église eut triomphé de tous ses ennemis, l’intérêt et la vanité des
chrétiens, qui avaient été persécutés, les engagèrent à exagérer le mérite de
leurs souffrances respectives. Une distance commode de temps ou de lieu ouvrit
un vaste champ à la fiction ; et la facilité qu’on avait à se tirer d’affaire
en citant des exemples fréquents de saints martyrs dont les blessures avaient
été guéries tout à coup, dont la force avait été renouvelée, et dont les
membres perdus avaient été miraculeusement rétablis, suffirent pour lever toute
difficulté et pour détruire toute objection. Les légendes les plus
extravagantes, dès qu’elles contribuaient à l’honneur de l’Église, étaient
reçues avec applaudissement par la multitude crédule soutenues par le pouvoir
du clergé, et attestées par le témoignage suspect de l’histoire ecclésiastique.
    Un orateur adroit sait exagérer, ou adoucir si facilement
des descriptions vagues d’emprisonnement et d’exil, de souffrances et de
tourments, que nous sommes naturellement portés à rechercher des traits plus
marqués et qu’il soit plus difficile d’altérer. Il est donc à propos d’examiner
le nombre des personnes qui périrent victimes des édits de Dioclétien, de ses
associés et de ses successeurs. Les légendaires des temps moins reculés parlent
de villes détruites, d’armées entières moissonnées à la fois par la rage
aveugle de la persécution. Des écrivains plus anciens se contentent de répandre
sans ordre et avec profusion, des invectives pathétiques, et ne daignent pas
fixer le nombre de ceux qui eurent le bonheur de sceller de leur sang la croyance
de l’Évangile. Cependant l’histoire d’Eusèbe nous apprend qu’il n’y eut que
neuf évêques punis de mort, et l’on voit par son énumération particulière des
martyrs de la Palestine, que quatre-vingt-douze chrétiens seulement [1766] eurent droit à
cette dénomination à honorable [1767] .
Comme nous ne connaissons pas le degré comparatif de zèle et de courage qui
régnait alors parmi les évêques, il ne nous est pas possible de tirer aucune
induction utile du premier de ces faits : mais le dernier peut servir à
justifier une conclusion très importante et très probable. Selon la
distribution des provinces romaines, il paraît que la Palestine formait la
seizième partie de l’empire d’Orient [1768] ,
et puisqu’il y eut des gouverneurs qui, par une clémence réelle ou affectée,
s’abstinrent de tremper leurs mains dans le sang des fidèles [1769] , il est
raisonnable de croire que le pays où le christianisme avait pris naissance,
produisit au moins la seizième partie des martyrs qui souffrirent la mort dans
les États de Galère et de Maximin. Le tout se montera donc environ à quinze
cents ; et, si l’on divise ce nombre pas les dix années de la persécution,
le résultat donnera cent cinquante martyrs par an. Si l’on applique la même
proportion aux provinces de l’Italie de l’Afrique et peut-être de l’Espagne,
dans lesquelles, au bout de deux ou trois ans, la rigueur des lois pénales fut
ou suspendue ou abolie, la multitude des chrétiens condamnés à mort par une
sentence juridique, dans toute l’étendue de l’empire romain, sera réduite à un
peu moins de deux mille personnes ; et puisque du temps de Dioclétien les
chrétiens étaient certainement plus nombreux, et leurs ennemis plus irrités
qu’ils ne l’avaient jamais été dans toute autre persécution antérieure, ce
calcul probable et modéré peut apprendre à se former une idée juste du nombre
des saints et des martyrs, qui, dans les anciens temps ont sacrifié leur vie
pour répandre dans le monde la lumière de l’Évangile.
    Nous terminerons ce chapitre par une vérité triste, que,
malgré notre répugnance, nous sommes forcé de reconnaître ; c’est que, même en
admettant, sans hésiter ou sans aucun examen, tout ce que l’histoire a rapporté
ou bien tout ce que la dévotion a inventé au

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